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à ma grand-mère

Maman vous a hébergés plusieurs années dans sa maison toi grand-mère,grand-père,oncle Henri,tante Joséphine et Emile mon cousin.
Puis,maman s’est mariée et a vendu sa maison.
Alors,tu lui a demandé de te prêter de l’argent afin de pouvoir acheter à ton tour une maison pour votre retraite.
Cette nouvelle maison achetée,tu l’as mise au nom de l’oncle Henri.
Ta préférence depuis toujours.
La somme empruntée n’a jamais été remboursée et sur votre testament maman a été oubliée.
Aujourd’hui elle nous a quittés avec ses ressentiments et je vous ai pardonné récemment.
Moi,Marie-thérèse petite fille de Rose déclare réconcilier Marie-dolorès ma mère avec Rose ma grand-mère maternelle.

Je fais cela en pleine conscience et avec amour.
Je lève à présent sur toute la lignée des hommes toutes les dettes qui ont été faites.
Je lève une fois pour toutes,toutes les dettes qui ont été faites et ainsi de fait sur toute la lignée des femmes.

Grand-mère Rose a cessé son activité à l’âge de soixante-treize ans et deux ans plus tard elle décédait.
Elle a travaillé jusqu’à épuisement tout comme ma mère et moi-même également.
Ma fille Sandie dans cette fidélité de femmes dures à la tâche est entrain de s’épuiser…

Grand-père Emile était un artiste et travaillait quand bon lui semblait.

Je me souhaite ainsi qu’à toutes mes descendances de pouvoir vivre dans l’abondance,l’harmonie et la richesse.

Marie-thérèse

Tuer la bête

Enfant , petite fille entourée de trois frères et quatre cousins, donc pas très féminine mais croquant la vie, aimant les animaux et la musique.
Mes parents avaient acheté une maison à la campagne et je passais tout mon temps chez Jeanine la voisine, l’aidant auprès des animaux. Déjà je fuyais ma mère, cherchant l’affection vers d’autres femmes.
Pour mon amour de la musique, j’ai voulu apprendre le violon. Ma mère avait trouvé un professeur que tout le monde appréciait. Il arrivait, faisait des tours de magie…je déteste la magie.
Ensuite, ma mère nous laissait dans ma chambre et fermait la porte pour que l’on ne soit pas dérangé.
Et là les notes de musique auraient dû m’apporter le bonheur…mais j’ai rencontré l’hydre par ce professeur, qui m’a volé mon innocence d’enfant…La bête n’avait pas qu’une tête puisque lorsque j’ai commencé à parler ; Toi ma mère ne m’a pas cru, il venait d’une bonne famille ce professeur, c’était moi la menteuse..
Le héros à ce moment là, ce fut mon père qui partit pour « tuer la bête ».
Mais « elle » n’était pas là et la compagne de la bête a reconnu que ce n’était pas la première fois.
Et là, intervint le secret. On arrêta les cours de musique et le silence creusa ma blessure. Il m’a fallu des années et des années pour que le secret ressorte et que la plaie commence à se cautériser.

catherine

blessures

Blessures
 » Ne faites pas ma valise je ne veux pas y retourner ! »

– Madeleine, ma mère à treize ans fut mise en pension à Blois, ville située à 33 kms de Saint Aignan , où mes grands-parents possédaient leur épicerie fine et leur fils !
Ma mère garçon manqué n’était pas la petite fille sage en robe organdi rêvée par ma grand-mère !
La garçonne s’échappait par la fenêtre et allait jouer dans les ruelles.
Ma grand-mère France , la duchesse de Saint Aignan, au port altier n’aimait pas ces manières !
Aussi , décida –t-elle d’envoyer sa fille en pension.
Elle ne reviendrait à la maison uniquement aux vacances scolaires !
Ma mère n’était pas d’accord et le fit savoir .
Le dernier soir de ses premières vacances de noël de pensionnaire, elle écrivit un mot qu’elle laissa sur la nappe cirée de la table de la salle à manger :  » Ne faites pas ma valise je ne veux pas y retourner ! »
Le lendemain matin la valise était préparée !
Ma mère partit le cœur lourd . Ni son père ni sa mère n’avaient écouté les mots du cœur de la petite Madeleine !
Elle fit sa vie à la pension .

J’imagine l’effroi qu’a dû ressentir ma mère quand elle apprit qu’elle irait en pension !
Elle n’avait rien fait , elle était juste vivante et essayait de se faire aimer en étant un garçon comme son frère… Elle a du se sentir exclue de la petite famille où le magasin occupait toute la place ! Cette épicerie était une personne toute puissante . Tout lui était dû , Les clients avaient tous les droits ; pas de dimanche , pas de soirée , pas d’intimité !
Madeleine trop agitée, fut envoyée en pension.
Quand elle me parle des visites de sa mère certains jeudis à Blois , je sens sa souffrance . Une sorte de regret perle . Elle aurait aimé de la tendresse des marques d’affection !
Elle a dû se sentir rejetée de sa famille, sans comprendre , et s’accuser de tous les maux !
 » Ne faites pas ma valise je ne veux pas y retourner ! »

 » Je n’ai pas t’adresse, de noms à donner… »
– Virginie, ma sœur est le numéro trois du trio des filles Colnard . La ravissante petite fille aux couettes et aux yeux verts …la préférée de ma mère jusqu’à l’arrivée de mon frère Xavier : le Dieu , le garçon , le Miracle.
A 6 ans Virginie s’est éteinte… et ne s’est jamais remise d’avoir perdu l’amour de sa mère ! Mon frère avait tout pris . Il ne restait que des miettes pour les filles. Elle-même avait reçu peu d’amour de sa mère .
Elle recréa la même situation !
Xavier prit tout . il ne resta plus rien …La gaité de Virginie s’ envola .
Aussi , elle fut emportée dans les tumultes de la drogue , elle qui était en manque d’amour. La drogue lui apporta un paradis illusoire. Elle eut des mauvaises rencontres . A ses 17 ans ayant saccagé l’appartement familial avec une quarantaine de « copains », mon père faillit tuer sa fille de colère !
Un an plus tard Virginie partit en vacances dans le Sud . Incapable de dire à mon père où elle allait, de lui donner un lieu de résidence, ce dernier la laissa partir mais lui signifia qu’ elle ne reviendrait pas chez lui. Elle fut virée de la maison à 17 ans. Ma mère ne s’ y opposa pas.
Ma sœur ne réussit jamais à dépasser ces traumatismes !

« Je n’ai pas t’adresse ,de noms à donner… »

Cette décision paternelle tourna en boucle dans la tête de ma sœur déjà très perturbée par l’arrivée du frère roi qui détrôna la petite princesse à couettes !
Ce fut un tsunami fatal quand elle comprit qu’elle était virée de sa propre famille ! Elle ne savait pas qui elle était à 17 ans .Elle suivit des jeunes dans la drogue ,perdue comme eux . Ce rejet détruisit un peu plus ma sœur .
Elle était à la rue sans le sou, sans rien à 17 ans.
A cette époque elle échappa de peu à une overdose .
Mon père ne supporta pas de voir sa fille ainsi. C’était inadmissible. Cela ne rentrait pas dans sa vision de la famille pré établie . Tout était déjà écrit : métier , mariage , religion …
Pas de drogue , pas de fantaisie .. du carré , du rationnel , du sécurisant !

– Alexandre, Mon fils, fragile , sensible…a dû prendre toutes les fragilités de son arbre paternel et maternel .
Ayant eu une adolescence très difficile qui s’est terminée par des bouffées délirantes à 18 ans, il a dû être suivi dans une clinique  » Etudes et soins » …Il a accepté la situation en apparence. Au fonds de lui j’en suis moins sûre. C’est un mélange de résignation et d’un peu d’acceptation.
Ne s’est – il pas senti rejeté quand nous l’avons laissé le 21 mars 2011 dans son centre ?
N’a-t-il pas lui aussi ressenti une forme d’exclusion ?
Bien sûr nous ne l’avons pas rejeté ! Nous espérons que des thérapeutes l’aident un peu.
Mais , au fonds de lui que ressent-il ?

L’infini de la patience

Tout perdre du jour au lendemain ! Plus rien ! Pffiiitttt !! Juste la « non nommée », là, à s’affairer aux préparatifs, aux futurs changements pour que ce qui doit continuer puisse se poursuivre sans obstacle. Ben voyons !! Vous trouvez-ça facile !

J’étais là, près de lui. Je savais qu’il allait mourir, ils me l’on tous dis, c’est sûr. Ce n’est plus qu’une question d’heures, de jours.

Je me retrouve là, à son chevet dans cet hôpital. Au chevet de cet homme que j’aime.

Au bout de deux soirs je devais rentrer dormir chez moi, j’étais épuisée, je ne pouvais pas me reposer sinon.

Je l’ai accompagné pendant une semaine, et je n’ai pas été là pour son dernier souffle, car cela risquait d’être trop impressionnant m’avait-on dit.

J’étais donc dans un rythme où d’un coup le « temps » avait totalement disparu. J’étais comme dans une autre dimension. J’oscillais entre l’impression de devoir faire vite ce qu’il y avait à faire, je ne savais même pas quoi d’ailleurs, ni combien de temps cela prendrait ?! Ne pas oublier de lui dire ce que j’avais à lui dire avant qu’il ne parte, parce que je savais qu’une fois mort ce serait trop tard, nous ne pourrons plus…, rien ne sera plus possible. Pourquoi je ne lui ai pas dit hier…? Et de nouveau la panique m’envahissait j’étais dans une impatience stimulée par cet inévitable… J’étais chez moi, et soudain je reprenais ma voiture, je fonçais sur le périphérique parce que j’allais oublier de lui dire que ci…, que ça… Puis je repartais. Il y avait en moi comme une agitation.

Mais lorsque j’étais près de lui je ressentais toujours cette impatience qui me caractérise bien, mais son silence me faisait contacter quelque chose en moi que je ne connaissais pas. Il n’y avait peut-être rien à faire finalement, juste être là « présente ». Oui mais comment ? Je ne connais pas de prière !! J’étais déconnectée de ma spiritualité ! J’étais face à ce qui me dépassait, et que je n’avais pas affronté vraiment à la mort de mon père des années auparavant ! J’avais rien compris la première fois, je devais faire comme il se doit cette deuxième fois ! Je crois qu’à ce moment-là, il me fallait calmer cette impatience pour laisser vivre ce qui doit vivre puis mourir, accepter, être « patiente ».

Finalement l’infini de la patience m’emporte les mains ouvertes vers le ciel faisant le constat de mon impuissance. Je ne peux rien faire face à la mort. J’avais la prétention de croire qu’elle n’avait rien à m’apprendre. Même si j’ai fait plein d’allers et retours, il n’empêche que je n’ai pas pu tout lui dire, que je n’ai pas pu tout faire… Je me dois de reconnaitre cette enseignante à l’épi bleu comme colonne vertébrale. Face à elle, je contacte ma patience, ou plutôt mon impatience qui cède peu à peu, pour laisser vivre ou mourir là maintenant, tout est pareil ! Il n’y a plus de distinction possible si ce n’est attendre la bon-heure. L’infini de la patience une leçon d’humilité. Ce sont mes piques d’orgueil qui me rendent impatiente. Y’a-t-il vraiment toujours quelque chose à faire, à dire, des commentaires à faire ?? Accepter de ne pas suivre mes pensées. L’infini de la patience me mène à m’assoir sur la terre pour une méditation où le temps est comme une évidence qu’il n’est pas nécessaire de marquer.

Accueillir son destin

« Nous étions en 1933 et tu n’avais que 32 ans quand tu as perdu la vie !! Tu ne l’as surement pas voulu. Qui aurait pu se sortir de tant de fausses couches sans mettre sa vie en danger. Pas toi en tous cas. Tu as laissé derrière toi un mari perdu sombrant dans l’ivresse, « Nono Cesare », et trois enfants, dont l’aîné était papa. Il n’était alors qu’un petit garçon de 10 ans. A-t-il pleuré quand tu es parti ? S’est-il senti abandonné ? Je ne le saurai jamais.

Par contre je me souviens qu’il était très sensible quand il s’agissait de se séparer de son frère et de ses sœurs pour rentrer en France, et cela, même s’il était adulte. Il y avait sans doute une blessure, là, précisément dans son cœur qui se ravivait à chaque fois qu’il quittait son pays. Je n’aimais pas le voir pleurer quand j’étais enfant, cela me faisait peur, ne me rassurait pas. Pour moi un papa ça pleure pas, me disais-je dans ma tête de petite fille !!

Toi papa, ce petit bonhomme qui a dû travailler à l’âge de 14 ans, à l’usine pour nourrir sa famille qui ne s’en sortait pas. Ton père était surement lui aussi meurtri pour se laisser autant sombrer dans l’alcool, et abandonner sa place de chef de famille, pour te la céder. Pour toi c’était sans doute normal, évident, culturel, mais surtout lourd d’assumer aussi jeune toute une famille. Il y en avait des bouches à nourrir. Normal que des années plus tard la politique était pour toi une religion qui se devait de défendre « la veuve et l’orphelin » !

Toi aussi papa, cette maladie dionysiaque t’a fait sombrer. Tu étais un homme triste qui aimait rire, et faire rire. Que cachais-tu derrière cette plaisanterie ?

Je l’ai compris bien plus tard ce que tu cachais. Tu n’étais plus de ce monde quand pour moi notre histoire familiale est devenue claire. Je te regardais enfin avec les yeux d’une femme, et non plus ceux d’une gamine qui avait peur de perdre l’amour de son père. Je peux voir aujourd’hui ce que cela t’a coûté. Ces blessures profondes en toi, impossible à soigner.

Ce secret de famille aussi que tu as emporté avec toi dans ta tombe parce que trop dur de parler. J’entends encore l’écho de ton silence. Une autre, une autre blessure, celle de la trahison.

Heureusement les blessures que tu portaient t’ont donné à chaque fois l’occasion de devenir un peu plus un bon être humain, mais qui n’aura pas pu aller jusqu’au pardon. C’est pour cela que ton unique fils, mon frère, t’a suivi jusqu’à l’au-delà, sans pouvoir prendre son propre destin entre ses mains.

Nous sommes tous issues de deux lignées. Alors il me faut regarder de ton côté maman. Pour trouver là aussi des blessures. Ta première blessure que tu connaitras à peine arrivée au monde. Pourquoi bébé, t’es-tu laisser mourir de faim, au point d’être rachitique, et confiée de surcroît à une nourrice qui était dépourvue de douceur avec toi ? Pourquoi ta mère n’a pas pu te nourrir ?

Puis plus tard les perpétuelles humiliations de la part de ta mère. La couleur était déjà donnée : celle qui ne réussit rien, celle qui ne comprend rien, celle qui n’arrivera à rien… Etiquette qui te poursuivra d’ailleurs, plus tard, quand tu vivras dans ta belle-famille, parce que c’est la tradition dans ton pays. Les femmes vont vivre dans la famille de leur mari. Finalement cela te paraissait plutôt bien de quitter ta famille d’origine dans laquelle tu te sentais humiliée, rejetée. Mais les blessures se répètent et il te faudra quitter ton pays avec ton mari, pour te sentir enfin à l’abri de ce qui aurait pu te faire perdre ta vitalité.    

Le déracinement a été le grand thème de ta famille. Toi en France, un de tes 2 frères et ta sœur en Amérique du sud. Eux c’était pour faire fortune, parce qu’on disait à cette époque : là-bas tu n’as qu’à te baisser pour ramasser ta richesse. Toi, c’était pour te sentir libre. Seul ton deuxième frère, l’artiste peintre, restera dans son pays, près de sa mère. Est-ce pour cela, qu’il mourra jeune d’une erreur médicale ? Le déracinement était-il un moyen de survivre, une garantie de pouvoir vivre son propre destin. Moi aussi maman, comme toi, j’ai perdu un frère trop jeune pour mourir.

La mort, l’amour, le masculin, le féminin, les hommes les femmes quelle histoire ??!!

Pour conclure, je décide de tirer une carte du tarot. Celle qui sort est la XXI « Le monde » !

Alors dans toute cette histoire, où les hommes meurent et les femmes n’ont pas toujours été respectées…

Me voilà naître au monde dans une danse créative,

A ciel ouvert le soleil radieux brillera de mille feux,

Une lumière inspire le souffle bleu au cœur de la nature,

Ses rayons d’un rouge sang posent le fruit mûr dans nos mains,

Dans le désert une manne comme toute nourriture,

En réponse à tous ceux qui en ont besoin,

Plus de soif, plus de faim,

Aux femmes et hommes à venir,

Le mouvement infini se poursuit en fin. »

LETTRE DE PARDON

Le 29 janvier 2014

 

Ma chère Maman,

 

Par les mots qui suivent, je fais librement, en pleine conscience et avec lucidité le don d’abandonner les griefs et ressentiments que j’ai envers toi.

Certes, tu n’as pu profiter, ni de la liberté de ne plus être sous le joug de ta mère, ni de ta jeunesse puisque tu as été maman, un an après ton mariage avec papa. Je suis née trop tôt et je n’ai pas satisfait tes attentes puisque tu voulais un garçon. Je n’ai donc pas été investie en tant que fille. C’est ainsi.

Plus tard c’est toi qui as choisi mon orientation professionnelle sans tenir compte de mes aspirations.

Quand j’ai décidé d’avorter, tu ne m’as pas comprise ni soutenue ; lorsque JP a demandé le divorce, c’était forcément de ma faute.

Aujourd’hui j’accepte de dissoudre les liens, les  émotions toxiques et leurs conséquences qu’elles ont sur ma vie, sur ma santé et  dans mes choix.

Je te pardonne, Maman, du fond du cœur de tout le mal que tu m’as fait involontairement.

J’accepte de passer l’éponge sur tous les échecs, les déboires provoqués par ton attitude envers moi.

J’accepte de liquider les dettes symboliques qui m’unissent à toi ; je décide aujourd’hui de me libérer de ton influence négative en renonçant à entretenir ces scénarios de victime et par là même, renonce à toutes les histoires mille fois ressassées, à ne plus  les utiliser pour justifier de n’avoir pu réaliser mes aspirations profondes et mes rêves.

Oui, Maman, je décide aujourd’hui à te pardonner, ainsi je me libère des entraves psycho-émotionnelles que j’ai portées. Je nous libère et nous pouvons, ainsi créer ces liens mère-fille qui n’ont pu se faire et qui m’ont tant fait défaut. D’où tu es, je te demande ton aide et ton soutien de mère.

 

Tu es ma maman, je t’aime et tu es toujours dans mon cœur.

Ta grande Fille, Claudette

 

1942 au Havre

C’était une journée comme les autres c’était l’occupation allemande c’était le quotidien depuis quelques années
La ville n’avait jamais été aussi propre il était interdit de jeter des papiers par terre l’administration allemande
distribuait des contraventions à ceux qui ne respectaient pas cette discipline nouvelle les havrais par nature rebelles à toute autorité
ont fini par reconnaître l’utilité publique de cette attitude
C’était les tickets de rationnement la nourriture manquait les gens avaient faim
Ma grand-mère maternelle et son deuxième mari Mr Dytchi travaillaient du lundi au vendredi ma mère allait à l’école et ma tante Esther enfant du deuxième mariage de ma grand-mère maternelle passait ses journées chez la nourrice le samedi et le dimanche cette petite famille se retrouvait réunie dans une
atmosphère chaleureuse et bienveillante ma mère aimait beaucoup son beau-père
Des rumeurs inquiétantes difficiles à intégrer tant l’inconcevable échappait à l’entendement ne troublèrent pas l’amour la douceur dans ce petit appartement du 3e étage de la rue des Lilas
Et pourtant les loups seraient bientôt dans la ville leurs morsures fatales
Les gens racontaient des histoires qui venaient de très loin dans l’hiver profond de l’est européen les loups les fils barbelés personne n’y croyait vraiment
à ces histoires de loup-garou
Et pourtant dans un silence ordonné le meurtre industrialisé s’organisait montait en puissance depuis déjà quelques années
Les loups étaient bien réels leurs proies allaient subir l’indicible
Dans le début de la soirée ma mère et ma tante jouaient dans la petite salle de séjour leurs parents n’étaient pas encore rentrés du travail
Ma mère était allée chercher Esther chez la nourrice
Tout était calme les deux petites filles s’amusaient s’inventaient des royaumes merveilleux
Soudain des bruits fracassants provenant de la rue des voix fortes des portes de voitures qui claquent violement
Ma mère se précipite à la fenêtre interrogée par ce vacarme inhabituel elle voit les uniformes
Son intuition de petite fille de neuf ans lui crie à l’oreille prends ta petite sœur et va te cacher dans le grenier les loups viennent chercher Esther
Les loups ont reniflé partout ils n’ont rien trouvé
Ma grand-mère maternelle revint quelques heures plus tard de la Kommandantur par prudence quelque temps avant l’état civil d’Esther s’était francisé elle s’appelait désormais Simone
Ma grand-mère maternelle et Mr Dytchi avaient été appréhendés à leur travail
Les soldats emmenèrent Mr Dytchi avec d’autres juifs dans un camion Mr Dytchi avait de la famille en Pologne il savait des histoires insoutenables et avait insisté pour faire changer l’état civil de sa fille Esther
Mr Dytchi n’est jamais revenu
A la fin de la guerre dans l’année 1945 il y avait des listes à la mairie du Havre
Ce jour là ma grand-mère maternelle mourut son âme fendue en deux par le couperet la liste disait Mr Dytchi disparu à Auschwitz
Les circonstances de sa mort n’étaient pas définies était-il mort de faim de froid le typhus l’avait peut-être emporté la torture la chambre à gaz
Ma grand-mère vivait à présent sans vie avec son esprit et son corps son âme désintégrée par cet impraticable chemin
Elle mourut à 44 ans le ventre dévoré par un cancer à la fin de l’été 1956
Ma mère est morte il y a deux ans au Havre en 2012 Esther que je n’avais pas revu depuis trente ans était là aussi quand le cercueil avançait automatiquement
vers la crémation Esther eu une transe je ne sais pas qui s’en allait dans les flammes ma mère? Mr Dytchi le père d’Esther
A ce moment là j’ai vu des fils barbelés se changer en fils d’or
L’amour est plus fort que tout

pierre

Patience et douceur

Quand j’ose la pause , je laisse le corps gouter la tranquillité et la parole le silence –

et là , depuis ce lieu , je me retire  ,  je laisse la place à une fraiche attention à l’espace

dans l’accueil du tout du rien de tous les possibles

et quand le temps se retire aussi

quand il s’absente pour un temps ou l’éternité

tout soudain

la biche frémissante se montre , fraiche et si vivante dans le matin ensoleillé

le cœur fond de douceur

débordant l’infini

(S’)Abandon(ner)

Chère grand-mère,
De toi je ne sais rien ou presque : ni ton prénom, ni ton visage, ni d’où tu viens, ni où et avec qui tu es partie, ni ce que tu as vécu, ni comment et pourquoi tu t’es enfuie !
Et cependant tu as laissé des traces : 3 enfants dont maman, mis en pension tous les 3 en bas âge par un grand-père sans doute humilié par l’adultère et qui ne pouvait de toute façon assumer seul l’éducation de ses enfants !
C’était plutôt rare à l’époque qu’une femme abandonne le domicile conjugal et pis encore, ses enfants. Il semble d’ailleurs que tu aies tenté de les emmener avec toi une première fois mais le grand-père t’a rattrapée et tu es revenue puis repartie et tu as tout perdu, tes enfants et ton statut de (bonne) mère. Tu as fait ce choix, difficile et douloureux j’imagine…. je n’en connais pas la raison. Pour avoir la paix peut-être si c’était la guerre dans ton ménage, ou la liberté si tu te sentais enchaînée, ou encore l’amour si tu l’as rencontré, comment savoir ? Le secret est bien gardé et aujourd’hui il n’y a plus grand monde pour en parler !
Enfin ce n’est plus tout à fait vrai : une 4ème enfant est récemment sortie de l’ombre à la mort de Gaby, la seconde femme de mon grand-père. Maman ne souhaite pas entrer en contact avec elle, c’est du passé et c’est trop tard, dit-elle. Je la comprends, elle a fait sa vie, avec un homme (mon père)  qui ne lui correspondait pas du tout mais dont elle n’a pas voulu divorcer pour ne pas reproduire avec moi ce qu’elle avait vécu. C’est un drôle de couple, avec beaucoup de disputes et peu de tendresse, mais je ne sais pas d’où elle tient ça (de toi peut-être), elle a malgré tout hérité d’une heureuse nature qui lui permet d’apprécier le moindre rayon de soleil !

Chère grand-mère, quelle que soit la raison qui t’a poussée à partir, de là où je suis je te pardonne volontiers, qui suis-je pour te juger ??? Ta petite-fille certes, qui a peut-être esquivé la maternité pour ne pas se confronter à ce qu’inconsciemment elle redoutait : être une mauvaise mère, mais rassure-toi, je n’ai pas souffert de ne pas avoir donné la vie, Fille unique sans plus de lien avec les 2 familles dont je suis issue (hormis mes parents), j’ai fait le choix de la liberté, de l’amitié, de la passion éphémère, du voyage, de l’aventure, de la solitude, et je ne regrette rien. Ma quête est ailleurs !

Le passé est passé, l’avenir est à venir, seul le présent est à vivre pleinement, goulument, et il devient naturellement cadeau lorsque je parviens à l’honorer de ma Présence, entière et Une,  lorsque j’accepte enfin de m‘abandonner.

Je te salue chaleureusement grand-mère ! Et si tu en as le pouvoir, aide-moi, aide-nous à grandir en humanité, c’est la seule chose qui vaille aujourd’hui, si nous voulons que la vie perdure sur cette belle planète bleue… Et sinon, inch allah !!!