Archives mensuelles : mars 2014

Les Augias

C’était la fin de l’après-midi la journée était très chaude tous les villageois travaillaient dur dans les champs qui entouraient la commune.
La terre avait donné beaucoup de blé un blé doré riche et abondant les gens de ce village étaient heureux la moisson joyeuse et dynamique.
La fête de la moisson dans quelques jours se promettait d’être luxuriante de rires et de boisson.
On allait danser boire et manger on irait faire des tours de manège les chevaux de bois des Augias arrivaient sur le chemin à l’est.
Dans le crépuscule orangé les deux énormes roulottes des Augias se dessinaient comme une promesse d’enchantement.
Les roulottes étaient tirées chacune par une paire de chevaux de trait des chevaux grands et larges très puissants d’un blanc étincelant.
De leur masse noble ils tiraient les roulottes sans effort et le crépuscule en faisait des dieux orangé suspendus entre terre et ciel.
Barthélémy le père Augias conduisait le premier attelage et Elsa Madame Augias femme de Barthélémy le second attelage. La première roulotte celle de la promesse d’enchantement contenait le manège et ses merveilleux chevaux de bois recouverts d’ivoire.
C’était l’été 1912 les Augias venaient au village chaque été depuis six années ils étaient respectés à la mesure de leur humilité qui n’était pas fausse .
Les Augias étaient originaires des Balkans et leur langue était le Yiddish mais ils avaient appris le patois local avec une aisance surprenante.
Ils avaient trois enfants Samuel David et Abel.
Abel le plus jeune était très réservé tout à l’opposé de son père et de ses deux grands frères qui étaient d’une humeur ludique il ressemblait beaucoup à Elsa sa mère.
Elsa avait un regard profond de l’intérieur de l’ordre du mystère elle n’avait que faire de la surface des choses.
Depuis deux ou trois étés elle avait changé elle n’était plus si avenante.
Les Augias voyageaient perpétuellement par les quatre saisons l’hiver c’était très dur parfois l’argent manquait et il fallait se résoudre à vendre un cheval à la boucherie.
Elsa et Abel étaient meurtris tandis que Barthélémy Samuel et David ne semblaient pas affectés.
L’accueil des villageois fait aux Augias fût des plus chaleureux et aussitôt arrivés sur la place du village on donna eau et fourrage aux chevaux
et embrassades à la petite famille on apporta le pain le vin et la cochonnaille et on parla de tout et de rien.
Barthélémy était ravi Samuel et David faisaient quelques pirouettes sur la terre de la place à l’ombre des platanes gigantesques.
Elsa et Abel paraissaient ailleurs ce qui déplaisait fortement à Barthélémy furieux qu’ils ne répondent pas à autant d’allégresse.
Barthélémy ne voyait que l’utile l’immédiat matériel et ne souciait guère des états d’âmes de sa femme et de son fils Abel ils les trouvait sa femme et ce dernier né grotesques.
Barthélémy ne croyait qu’en son dieu sauveur le plus souvent bouc émissaire et de ce fait tout allait à la grâce ou à la disgrâce de Dieu à point c’est tout.
Elsa avait des visions depuis quelques années et en avait fait part à son mari « foutaises » hurlait Barthélémy tout en noyant sa colère dans le vin.
Elsa qui avait aimé son mari jusque là réalisait son erreur et ressentait la douleur de la trahison.
Elsa savait que son fils Abel était porteur de ses visions qu’il ne traduisait que par des émotions des angoisses qu’il ne pouvait déchiffrer pour le moment.
Un avenir en Hydre de Lerne attendait Abel.
Abel survivrait-il à la charge du monstre?
Elsa était terrifiée doublement terrifiée par l’avenir de son fils et par ses visions qu’elle savait authentiques.
Bien loin profondément de la surface des niaiseux Elsa connaissait à présent l’instantané le superposé de la grande psyché l’historique des êtres et voyait monter l’effroyable haine celle des chevaux déchus.
Le lendemain Barthélémy et toute la petite famille s’affairaient au montage du manège sur la place du village chacun savait ce qu’il devait faire et une journée suffît!
Les dernières charrettes de blé engrangées le soir même les villageois se regroupèrent sur la place pour admirer les chevaux de bois recouverts d’ivoire.
Une petite machine à vapeur transmettait sa force par la complicité d’un savant engrenage au manège ce qui faisait la fierté et la grandeur de Barthélémy un orgue de barbarie associé au souffle de la machine dont les mélodies s’enchaînaient au fil d’un long ruban perforé rendait l’ensemble très attractif.
Aujourd’hui c’est dimanche la fête de la moisson peut commencer après la messe et la bénédiction du blé.
De grandes tables sont disposées sur la place tout autour du manège on a pris soin de tuer le cochon quelques jours avant la fête bien sûr!
Les tonneaux de vin sont roulés au pied d’un platane avec ferveur on peut commencer à manger et à boire!
Barthélémy pousse une manette qui commande l’embrayage de la machine et le manège commence à tourner et l’orgue entame une mélodie!
Bien venus dans la ronde des ancêtres se dit Elsa en donnant les tickets aux heureux élus…
A présent les chevaux de bois tournent une ronde paisible en apparence tout en ascendants et descendants.
D’aucun ne remarque dans les yeux d’Elsa le message des chevaux déchus une haine métallisée d’une puissance de feu inouïe.
Tous ces niaiseux ils ne pensent qu’aux taureaux qui donneront de bonnes vaches laitières.
Elsa s’emporte elle le sait mais sa terreur la domine trop de boue et trop peu de regards intérieurs…
Assurément la surface des choses est reine dans le monde et c’est très bien comme ça cette conception domine les êtres c’est la référence et nul ne doit transgresser cette sainte référence.
Elsa est emportée par l’élan des chevaux de bois qui très vite sentent la sueur du taureau elle pense qu’elle est devenue folle elle se sent très seule abandonnée.
La nuit tombe sur la fête de la moisson la machine à vapeur s’essouffle et l’orgue de Barbarie commence à tituber le manège a emmené ses voyageurs dans la voûte céleste des totems et a imprimé des archétypes dans l’âme innocente des cavaliers émerveillées par l’éclat des chevaux.
« Dépêchons-nous » hurle Barthélémy sur la route qui mène au col de la faucille « il commence à neiger nous devons rejoindre l’Italie avant l’arrivée de l’hiver ».
Elsa est heureuse elle va revoir sa sœur à Rome Abel aussi il aime profondément tante Sarah.
Tante Sarah sait écouté les âmes elle a ce don elle voit l’intérieur du cœur elle sait toutes les larmes du monde et les siennes aussi sa fragilité est sa force.
Sarah a conscience de l’écume des chevaux qui poussent les taureaux dans l’abîme rédempteur tous ceux qui s’opposent à la métamorphose.
Elle sait aussi la saveur parfois diabolique de ce dynamisme céleste exprimé dans une adversité féroce.

Pierre

Rouge Sang

Il était une fois une petite fille qu’on appelait…le petit chaperon rouge.

Orpheline de père et de mère, elle s’était enfuie d’un sinistre pensionnat, et s’était réfugiée dans une pauvre masure en pleine forêt qu’elle avait peu à peu aménagée pour y vivre comme une princesse.

Très habile de ses mains et fort créative, elle tirait profit de toutes les richesses de la forêt ! Pour se nourrir, les plantes, champignons, baies n’avaient plus aucun secret pour elle et ses repas (bio-végane-équilibrés) auraient fait pâlir n’importe quel cuisinier. Un astucieux tressage de branches recouvert de mousse lui servait de couche. Les feuilles d’automne séchées puis assemblées composaient ses vêtements dont la fameuse cape d’un rouge flamboyant réalisée à partir de feuilles d’érable, et qui lui avait valu le nom de petit chaperon rouge.

Chaque jour elle partait explorer cette vaste forêt et elle avait peu à peu fait la conquête de tous ses habitants : le cerf qui lui servait de monture lors des grandes excursions , le sanglier qui venait en famille et la laissait jouer avec les petits, les lapins qui l’invitaient à leurs rondes nocturnes secrètes, la chouette qui jouait volontiers à cache-cache avec elle « hou hou ». Tous sauf un : le loup !

LIBRE il était, LIBRE il resterait ! Il se méfiait plus que tout de ces bipèdes qui avaient réduit en esclavage ses lointains cousins, les misérables chiens. Piqué par ce rejet, le petit chaperon rouge cherchait par tous les moyens à entrer en contact avec lui, sans résultat ! Jusqu’au jour où la chance lui sourit. Au retour d’une grande promenade, elle entendit soudain un gémissement et finit par trouver un jeune loup pris au piège. Avec une patience infinie elle parvint à l’approcher et à ouvrir la mâchoire qui broyait sa patte. Mais le loup, aussitôt libéré et quoique blessé, s’enfuit aussitôt, laissant le petit chaperon rouge dépité et amer.

Cependant quelques temps plus tard, ouvrant sa porte de bon matin, quelle ne fut pas sa surprise de voir à quelque distance un loup. Elle fit comme si de rien n’était et vaqua à ses occupations. Au bout d’un moment il s’esquiva mais à partir de ce jour il revint régulièrement l’observer de loin, sans jamais s’approcher cependant.

Le petit chaperon rouge, oubliant un peu vite son joug passé, était fort contrariée de cette distance et cherchait à toujours à l’apprivoiser.

Or arriva un hiver fort rigoureux qui fit fuir ou mourir un grand nombre d’animaux. Le petit chaperon rouge fut elle aussi prise au piège, souffrant du froid et de la famine. A sa grande surprise le loup n’avait pas fui et continuait à l’honorer de ses visites. Ne pensant plus qu’à sa survie, elle conçut alors un plan pour l’attirer chez elle.

Ayant appris l’usage des plantes, elle connaissait tous leurs effets. Elle confectionna alors une friandise qui pourrait attirer le loup et la déposa non loin de l’endroit où il avait coutume de s’installer. Effectivement il vint et trouvant la friandise, il la mangea et quelques secondes plus tard, tomba raide mort.

Aussitôt le petit chaperon rouge se précipita et armé d’un grand couteau, elle entreprit de le déshabiller. Rouge oui elle l’était toujours mais rouge du sang du loup qu’elle se mit à découper puis à dévorer, rendue à sa nature sauvage.

C’est depuis lors que la femme porte en elle la culpabilité d’avoir mangé le loup et non la pomme comme une autre légende le laisse entendre. Et c’est depuis ce temps que l’homme joue au loup-garou.

Pas d’peau !

Louloutte était une adorable petite louve que toute la meute aimait, rien qu’à la voir, et plus que tous sa grand-mère, à qui elle ressemblait comme deux gouttes d’eau. La meute de loups vivait tout en haut de la montagne du Mont Pelé, où ils avaient balisé leur piste en urinant pour marquer les limites de leur vaste territoire vital. Pour les loups vieillissants, il était préférable de rester vivre plus bas dans la montagne, parce qu’ils n’avaient plus la force de résister au froid et l’énergie d’aller jusqu’en haut pour rentrer chez eux.

Cette montagne ne s’appelait pas « Pelé » parce qu’elle était dénudée, non !! Simplement il faisait un froid de canard, et les loups qui vivaient là avaient par conséquent une fourrure, pour résister au froid, absolument magnifique avec de longs poils brillants, et d’une couleur unique au monde, allant du noir au rouge. D’ailleurs Louloutte avait hérité de sa grand-mère et de sa mère, d’une somptueuse robe d’un rouge vif, très prisée par les hommes parce que très rare. Une peau de la couleur de l’amour. Louloutte était la petite chouchoute de la famille. Ses parents avaient une grande tendresse pour elle. Il faut dire que c’était la seule femelle de la portée.

C’était un lundi comme les autres, sa mère était allée chercher, seule pour une fois, de quoi nourrir toute sa tribu, mais elle n’est jamais rentrée. Avait-elle été tuée ? Avait-elle été embarquée dans ce lieu dont Louloutte avait souvent entendu les grands dirent de drôles de choses ? La question restait en suspens.

Toutes les nuits, Louloutte rêvait à sa mère. Elle revivait tous les moments où elles allaient ensemble explorer le Mont Pelé, et apporter à sa grand-mère de bons petits plats cuisinés. En fait, elle était la seule de la famille à ne pas se résoudre à la mort de sa mère. Elle était d’une nature plutôt optimiste, et c’est sans doute pour cela qu’elle sentait au fond d’elle que sa mère était encore vivante. Elle était devenue une belle jeune femelle d’un pelage rouge vif hors du commun, très curieuse, et surtout très innocente. Son père redoublait de mise en garde à chaque fois que Louloutte devait partir en bas de la montagne pour visiter sa grand-mère en lui portant quelques petits mets bien délicieux.

C’était un lundi comme tous les autres, jour où Louloutte allait porter à sa grand-mère son plat préféré ; un gigot flageolets qu’elle avait cuisiné elle-même, comme sa mère lui avait appris. Son père bien évidemment ne cessait de mettre en garde Louloutte sur les dangers potentiels qu’elle pouvait rencontrer, et lui recommanda très fort :

– Surtout empreintes bien le sentier habituel, ne t’en éloigne pas, et ne regarde pas dans tous les coins car il te faut rentrer à la tanière avant la nuit tombée !

– Je te promets de ne pas traîner, et de faire pour le mieux, promis Louloutte à son père, avant de lui dire au revoir et de partir.

La grand-mère habitait bien bas dans la vallée à une bonne heure de descente dans une forêt, pas si loin du village. Et lorsque que Louloutte entra dans la forêt, elle se laissa pour la première fois distraire et ne réalisa pas qu’elle avait été beaucoup plus loin que d’habitude. En fait, elle se trouvait non loin de la « Taverne du Petit Chaperon Rouge ». D’ailleurs à peine avait-elle réalisée qu’elle était peut-être allée un peu trop loin, elle vit une vallée bien verte s’ouvrir devant elle. Elle n’avait jamais vu une beauté pareille. Dans un même temps, alors qu’elle était émerveillée, surgit d’un buisson le Petit Chaperon Rouge. Mais Louloutte ne savait pas que cette jeune fille toute de rouge vêtue, ayant un air plutôt sympathique était en réalité une personne méchante. Louloutte n’avait jamais vu d’être humain, et sa nature curieuse lui faisait oublier les recommandations de son père.

–      Bonjour, jolie bête, dit le Petit Chaperon Rouge.

–      Merci à toi et bonjour aussi, dit Louloutte.

–      Comment t’appelles-tu demanda le Petit Chaperon Rouge ?

–      Louloutte, répondit-elle !

–      Et où vas-tu à cette heure si tardive Louloutte ?

–      Chez ma grand-mère !

–      Que portes-tu sous ton beau pelage ?

–      Un gigot flageolets, dit Louloutte. Je dois le porter à ma grand-mère qui n’a plus la force de cuisiner ce genre de plat.

–      Le soleil ne va pas tarder à passer de l’autre côté de la vallée, et la nuit va bientôt tombée. Est-ce loin chez ta grand-mère ? demanda le PCR.

–      Ben ?? Non !! Plus haut dans la vallée, à un quart d’heure d’ici, dit Louloutte un peu désabusée.

Forte de ces renseignements, le PCR (Petit Chaperon Rouge) pensa : « encore une peau fabuleuse qui va rapporter beaucoup d’argent à papa, et nous allons enfin pouvoir partir en vacances à Hawaï cet été, comme il me l’avait promis si je lui trouvais une peau de louve rouge ! En plus si je rajoute à ce butin la peau de la grand-mère qui doit être elle aussi bien rouge, puisque cela se transmet de mère en fille, on va pouvoir se faire un gros paquet de fric ! ». Voilà les pensées du PCR tandis qu’il faisait un bout de chemin avec Louloutte. Puis le PCR dit :

–      Tu sais Louloutte, il est déjà bien tard, et je ne suis pas si sûr que tu ais le temps de porter ce paquet à ta grand-mère, et de rentrer avant la nuit dans ta tanière, car tous les chemins se confondent. Alors je me propose de te t’accompagner jusque chez ta grand-mère avec mon super 4×4 tout terrain qu’a peur de rien. Je te laisserai devant la porte de ta grand-mère !

 

Louloutte était super heureuse, et accepta aussitôt la proposition du PCR. Elle ne savait pas à quoi ressemblait un 4×4, et se disait que cela ferait une belle aventure à raconter à sa grand-mère qui partageait toujours avec elle ses petits secrets. Elle trouvera ça génial grand-mère, c’est sûr !! Quand Louloutte arriva près de l’engin, elle entendît le bruit du moteur qui ne lui était pas étranger, et sentît tout d’abord une odeur vraiment bizarre, désagréable comme celle qui parfois montait, venant de la vallée, jusque dans leur tanière, arrivée les beaux jours. Toutes deux montèrent dans le 4×4 où il faisait bien chaud.

Le PCR proposa à Louloutte un ptit pétard histoire de se détendre. Il faut dire que le PCR était complètement accroc à la drogue, toutes les drogues. Ses parents, eux, du fait de travailler dans la taverne, avaient une forte tendance à forcer sur la bouteille, et pour couronner le tout, son frère finissait ses jours en prison pour avoir soutiré de l’argent en tentant de vendre la Tour Eiffel aux Chinois.

–      Tiens fume c’est de la bonne, dit le PCR.

–      Merci, dit Louloutte, qui peu à peu commençait à rigoler pour un oui ou un non, elle trouvait tout drôle. Oh la la !! ça fait rigoler ton truc là, ah ! ah ! ah !!!! C’est trop chouette, j’adore !!

Même si le PCR conduisait à vive allure, tellement elle était heureuse du butin qu’elle ramenait à son père, Louloutte était morte de rire. Elle n’avait pas peur, au contraire. Les bonds qu’elle faisait sur son siège à cause des obstacles sur la route étaient pour elle comme un manège. En plus le PCR avait mis sa chanson préférée « Happy » (de Pharrell Williams) à fond dans l’engin qui écrasait tout sur son passage d’ailleurs, et Louloutte avait qu’une envie : danser. T’inquiètes ! pensa au fond de lui le PCR, tu as chanté et bien tu vas danser maintenant pour les plus grands couturiers sur les plus grands podiums des capitales du monde entier.

Et oui, la famille du PCR était trafiquant de peau rouge de louve, de la montagne du Mont Pelé. Leur demeure était somptueuse. Enfin ça dépend des goûts ! Il y avait une piscine olympique derrière la maison où les grenouilles avaient fini par en faire leur demeure vu qu’il faisait trop froid dans cette région pour prendre le soleil ; un cours de tennis remplit de feuilles mortes, parce que la famille n’était pas de grands sportifs ; des grosses boules à facettes au plafond ; un grand écran panoramiquum de dingue dernier cri,  pour regarder les matchs de foot, et les films pornos. Bref, la « Taverne du Petit Chaperon Rouge » était peu fréquentable. Ne venait là que les trafiquants de cette fourrure unique au monde qu’ils revendaient à des prix qu’il serait indécent de vous dire. En fait ils fournissaient les plus grands couturiers, dont je tairai le nom qui faisait un tabac avec cette peau de bête.

 

A son arrivée devant la taverne, le PCR fit crisser les pneus du 4×4, elle adorait ça, et hurla à son père :

–      Paaapppaaaaa !! Prends la cage j’ai une bonne surprise, dit le PCR.

–      Bravo ma fifille !! Hiccc ! dit le père en rotant bruyamment sa bière.

Puis ils descendirent le corps de la pauvre Louloutte, au sous-sol dans le ventre de la taverne. Un lieu très sombre, et très propre par contre parce qu’ils gardaient là plusieurs louves au beau pelage rouge qu’ils gavaient pour que la surface de peau augmente, et ainsi ils pourraient en tirer un meilleur prix. Il fallait aussi que leur peau reste bien propre et bien luisante.

Lorsque Louloutte se réveilla peu à peu, elle n’en cru pas ses yeux. Sa mère était là comme si elle l’attendait depuis longtemps elle aussi persuadée qu’elles se retrouveraient. Quelle joie immense pour elles deux, même si ce trou noir leur laissait une sensation qui sentait la mort.

Louloutte qui était une jeune louve plutôt intelligente chuchota à sa mère :

–      Maman, j’ai pris avec moi les champignons, tu sais ceux qui font péter après les avoir digéré et dégagent une odeur nauséabonde ! grand-mère, avant de repartir de chez elle me remplit toujours une petite bourse pour le cas où je me perde, afin qu’on puisse me retrouver à cette odeur bien particulière que nous seuls utilisons ! Alors nous allons toutes en manger. Effectivement au bout d’un temps assez court l’odeur commençait à monter jusqu’à l’étage du dessus, puis plus haut encore, pour finalement envahir toute la maison. Cette odeur était insupportable pour les humains. Elle avait le même effet que les bombes lacrymogènes. Elle faisait pleurer, tousser, brûler la gorge…, Bref, insoutenable !! Obliger la famille du PCR à ouvrir toutes les fenêtres pour faire sortir cette odeur, voilà la brillante intention de Louloutte.

Le garde forestier qui passait par là avec ses compagnons de travail sentirent cette odeur qu’ils connaissaient bien non loin de la taverne.

–       Mais je reconnaitrais cette odeur parmi milles !! Les loups de la montagne du Mont Pelé mangent une qualité de champignon qu’on peut ramasser au sommet de la montagne et que seuls ces animaux sont capables de trouver, dit le garde forestier.

–       Alors c’est qu’ils sont en danger si nous sentons cette odeur. Nous savons bien qu’ils sont protéger car très recherchés par les trafiquants de fourrures. Je pense que nous tenons là une piste, dit un acolyte du garde forestier.

Ils suivirent l’odeur grâce à leur nez bien entraîné pour arriver finalement à la « Taverne du Petit Chaperon Rouge » dont ils connaissaient la mauvaise réputation, mais ne fréquentaient pas. Là, ils prirent leur fusil à seringue somnifère, et finirent par endormir toute la famille du Petit Chaperon Rouge. Ils descendirent un long escalier jusque dans le ventre de la taverne, là où l’odeur les menait pour voir quelque peu affaiblies toutes ces louves capturées, et prêtes à être dépecées. La mère de Louloutte connaissait bien le garde forestier, car elle s’avait qu’ils étaient là pour les protéger et les délivrer. Les louves une fois dehors respirèrent un grand coup et partir rejoindre leur foyer qui ne les attendaient plus d’ailleurs. Ne restait là que Louloutte et sa mère qui avant de partir mirent le feu à la taverne jusqu’à ce qu’elle disparaisse dessous les flammes.

 

Tous les trois, Louloutte, sa mère et le garde forestier étaient bien contents. Le garde embarqua la famille du Petit Chaperon Rouge pour les conduire en prison pour perpette. Louloutte et sa mère mangèrent le gigot flageolets avec appétit.

Mais pour ce qui est de Louloutte, elle se jura : « jamais plus de ta vie tu ne quitteras le chemin pour courir dans la vallée, quand ton père te l’a défendu. Mais, j’ai bien fait d’écouter mon intuition qui m’a dicté aujourd’hui de prendre les champignons de grand-mère ce que je ne fais jamais d’habitude. Puis je suis bien contente aussi d’avoir goûté le feu d’artifice, Heu ! non !! je veux dire le pétard ! Maintenant je sais pourquoi c’est interdit ! ».

Antistymphalle

J’ai neuf ou dix ans,peut-être un peu plus. Nous habitons en Ardèche. Notre logement donne sur la campagne: de grands arbres, une haie de ronciers, puis un pré où paissent deux ou trois chevaux. Au loin le Vercors d’où le soleil levant embrase le ciel.

Un soir je me couche, donc, et je pars dans ce rêve qui aujourd’hui encore me fait tressaillir.

Je suis sur la terrasse et c’est le matin. Le soleil est déjà haut. Le ciel, d’un bleu intense, semble prendre tout l’espace. Dans ce ciel immense apparaît au nord, se déplaçant vers le sud, une petite tâche blanche. Puis une autre…et encore une autre. Je commence à les voir de mieux en mieux, et il y en a de plus en plus. Le ciel s’en couvre bientôt et je les distingue clairement : ce sont de magnifiques oies blanches, d’une blancheur parfaite. Le bruit quel font dans l’air est un ravissement,le frou-frou d’un coton qui chante. Le bouton de leurs yeux noirs et leur bec d’or dans cet écrin de neige me parle de bienveillance, de douceur et de bonté. Sous ce ciel de lait, vivant, vibrant, tout est lumière. Une immense félicité m’envahit.

Soudain, un claquement sourd. Une tâche rouge dans le ciel, et une première oie qui chute. Une autre détonation. Une oie encore quitte le flot du ciel et s’abat sur le sol. Dans le pré des chasseurs tirent. Je les vois de dos. Ils tirent et tirent de nouveau vers le ciel. Le pré est bientôt couvert d’oies blanches rougies de sang, et ce sont des milliers d’elles encore qui se décrochent du ciel.

Étrangement je n’ai pas de colère. Je reste bouche bée, sans voix. Des larmes mouillent mes yeux, mais ce n’est pas vraiment de la tristesse. Je sors de mon rêve et me réveille. Je suis dans mon lit, les yeux tournés vers le plafond, et je n’ose bouger, hébété mais lucide.. J’ai le sentiment d’avoir vécu une expérience de stupeur. Un silence profond m’habite, qui a la saveur de l’espace. Un espace immense, infini et secret, que les résonances du ressenti font tinter loin au-delà des horizons.  Je goûte le ressac  de ces vagues de fond et leur onde puissante.

Je me suis toujours refusé à interpréter ce rêve. Parfois il me revient et je me laisse porter par les échos qui se remettent à chanter : l’intensité des couleurs, le blanc et le rouge qu’on retrouve si souvent dans les contes, l’épaisseur du silence, les déflagrations, la douceur de ces oies blessées et leur abandon « souriant », le sentiment que tout était bien comme ça.

Certains rêves ont ce pouvoir de devenir une ressource. Les oiseaux de Stympalle m’ont reconnecté à celui-ci.