« La Bocca »
Le combat contre l’hydre de Lerne, cela fait plusieurs années maintenant qu’elle le mène. Les têtes repoussent à une telle vitesse que l’épuisement se fait sentir, la douleur devient insupportable, la lutte répétitive est inévitable, et sort aux mêmes dates du calendrier. Elle a beau le savoir cela ne lui enlève pas cet effet de surprise mêlé à un sincère désarroi quand elle doit faire face à cette géante qui emporte avec elle tout sur son passage.
Elle a l’innocence, qui deviendrait presque de l’ignorance de croire qu’elle l’a eu, qu’elle lui a fait la peau !! Ah !! Ah Ah !!! Elle oublie, le temps passe. Et là dans ce qui pourrait paraître un instant, le monstre surgit de nouveau du fin fond de sa propre BOUCHE. En fait, l’hydre nichée dans sa bouche veille pendant des mois et resurgit toujours à l’approche de la fin de l’année.
Oui !! L’hydre du fond de sa gorge siffle une douleur insoutenable qui passe par des milliers de vaisseaux pénétrant ses racines portées par sa mâchoire. Il règne alors dans sa bouche une odeur de celle qui vous rappelle intuitivement l’odeur de vos humeurs les plus profondes. Une tension extrême se fait alors sentir sous ces crocs blancs lui donnant l’impression qu’ils vont tous un à un exploser tel un volcan. C’est la lutte avec ce monstre né de monstres, comme une sensation de guerre ancestrale inscrite dans ses gènes, elle ne renonce pas, mais elle perd beaucoup de sang, car à chaque fois, le nombre de ses crocs blancs diminue laissant dans cette cavité sans cesse en mouvement, des blessures où plus rien ne repoussera. Adieu les dents de lait !!
Alors elle regarde à l’intérieur comment elle se parle à elle-même. Arriver à bout de cette bête immonde qui détruit tout sur son passage, c’est son plus profond désir. Elle se porte pour cela une attention toute particulière surtout cette fois-ci. Elle est alors avec sa mère, dans un échange qui pourrait paraître confortable, mais une fois de plus, les mauvaises vieilles habitudes fantomatiques viennent les surprendre : mêmes paroles, mêmes réponses, mêmes constats, mêmes, mêmes, mêmes, toujours les mêmes… ! C’est une indigestion de paroles non créatrices, de celles qui ne tissent plus de lien entre les humains, mais qui entretiennent plutôt toujours la même histoire sans jamais pouvoir la faire évoluer jusqu’à maturité. Elle ne sent pas la tension extrême de son corps tellement masquée par l’habitude de la ressentir. Elle serre les crocs pour ne pas crier. Elle s’insurge alors, tellement elle se sent ligotée dans ce qu’elle connaît par cœur et ne peut se libérer.
Arrive alors ce qui doit arriver !! Elle va pour ingérer la nourriture terrestre de sa mère et dans un désespoir le plus total elle sent une violence saisir un de ses crocs blancs. Il ne reste presque plus rien de cette dent dont le centre s’est détaché ne restant accroché à la mâchoire que deux parois nettement séparées. Elle se saisit de cette partie détachée restée dans sa bouche et la jette violemment sur la table. Une tristesse l’envahie alors, se disant je n’y arriverai jamais à tuer ce monstre qui me dévore de l’intérieur. Elle ose à peine laisser monter ses larmes voyant que sa mère vivait la chose avec la même intensité. Mais sa mère eut un geste qu’elle ne saura essentiel que quelques jours plus tard. Lorsqu’elle rejeta avec rage ce bout de croc blanc, sa mère s’en saisit aussitôt et lui donna un baiser. Ce n’est pas arrivé jusqu’à sa conscience, quant à l’importance de ce que sa mère était en train de lui signifier, mais elle a senti tout de même comme un pincement au cœur qui disait « parles-toi bien, aimes-toi, considères-toi, ne te fait pas de mal ! C’est incroyable, sa mère l’emmenait soudain sans prétention, dans les sphères encore souterraines, où malgré toutes les tempêtes de la vie, le lien d’Amour entre les êtres reste intact, vif et porteur de guérison.
On dit que la vérité sort de la bouche des enfants !!!
Merci, maman !!