Archives de catégorie : décembre 2013-2014

« La Bocca »

 

« La Bocca »

Le combat contre l’hydre de Lerne, cela fait plusieurs années maintenant qu’elle le mène. Les têtes repoussent à une telle vitesse que l’épuisement se fait sentir, la douleur devient insupportable, la lutte répétitive est inévitable, et sort aux mêmes dates du calendrier. Elle a beau le savoir cela ne lui enlève pas cet effet de surprise mêlé à un sincère désarroi quand elle doit faire face à cette géante qui emporte avec elle tout sur son passage.

Elle a l’innocence, qui deviendrait presque de l’ignorance de croire qu’elle l’a eu, qu’elle lui a fait la peau !! Ah !! Ah Ah !!! Elle oublie, le temps passe. Et là dans ce qui pourrait paraître un instant, le monstre surgit de nouveau du fin fond de sa propre BOUCHE. En fait, l’hydre nichée dans sa bouche veille pendant des mois et resurgit toujours à l’approche de la fin de l’année.

Oui !! L’hydre du fond de sa gorge siffle une douleur insoutenable qui passe par des milliers de vaisseaux pénétrant ses racines portées par sa mâchoire. Il règne alors dans sa bouche une odeur de celle qui vous rappelle intuitivement l’odeur de vos humeurs les plus profondes. Une tension extrême se fait alors sentir sous ces crocs blancs lui donnant l’impression qu’ils vont tous un à un exploser tel un volcan. C’est la lutte avec ce monstre né de monstres, comme une sensation de guerre ancestrale inscrite dans ses gènes, elle ne renonce pas, mais elle perd beaucoup de sang, car à chaque fois, le nombre de ses crocs blancs diminue laissant dans cette cavité sans cesse en mouvement, des blessures où plus rien ne repoussera. Adieu les dents de lait !!

Alors elle regarde à l’intérieur comment elle se parle à elle-même. Arriver à bout de cette bête immonde qui détruit tout sur son passage, c’est son plus profond désir. Elle se porte pour cela une attention toute particulière surtout cette fois-ci. Elle est alors avec sa mère, dans un échange qui pourrait paraître confortable, mais une fois de plus, les mauvaises vieilles habitudes fantomatiques viennent les surprendre : mêmes paroles, mêmes réponses, mêmes constats, mêmes, mêmes, mêmes, toujours les mêmes… ! C’est une indigestion de paroles non créatrices, de celles qui ne tissent plus de lien entre les humains, mais qui entretiennent plutôt toujours la même histoire sans jamais pouvoir la faire évoluer jusqu’à maturité. Elle ne sent pas la tension extrême de son corps tellement masquée par l’habitude de la ressentir. Elle serre les crocs pour ne pas crier. Elle s’insurge alors, tellement elle se sent ligotée dans ce qu’elle connaît par cœur et ne peut se libérer.

Arrive alors ce qui doit arriver !! Elle va pour ingérer la nourriture terrestre de sa mère et dans un désespoir le plus total elle sent une violence saisir un de ses crocs blancs. Il ne reste presque plus rien de cette dent dont le centre s’est détaché ne restant accroché à la mâchoire que deux parois nettement séparées. Elle se saisit de cette partie détachée restée dans sa bouche et la jette violemment sur la table. Une tristesse l’envahie alors, se disant je n’y arriverai jamais à tuer ce monstre qui me dévore de l’intérieur. Elle ose à peine laisser monter ses larmes voyant que sa mère vivait la chose avec la même intensité. Mais sa mère eut un geste qu’elle ne saura essentiel que quelques jours plus tard. Lorsqu’elle rejeta avec rage ce bout de croc blanc, sa mère s’en saisit aussitôt et lui donna un baiser. Ce n’est pas arrivé jusqu’à sa conscience, quant à l’importance de ce que sa mère était en train de lui signifier, mais elle a senti tout de même comme un pincement au cœur qui disait « parles-toi bien, aimes-toi, considères-toi, ne te fait pas de mal ! C’est incroyable, sa mère l’emmenait soudain sans prétention, dans les sphères encore souterraines, où malgré toutes les tempêtes de la vie, le lien d’Amour entre les êtres reste intact, vif et porteur de guérison.

On dit que la vérité sort de la bouche des enfants !!!

Merci, maman !!

Grand père André

je ne t’ai pas connu !
J’aurais tant aimé .
Je ne connais de toi que la photo où tu poses droit comme un piquet à côté de grand-mère Paris et de ta mère un peu plus loin . Mon père accroupi à vos pieds parait heureux au centre de cette arène de grandes personnes où chacun semble une entité non reliée aux autres.
A force de t’avoir scruté sur cette photo , j’ai l’impression de te connaître .
Tu as l’air malingre. Ton petit sourire au coin des lèvres me plait.
Les mains dans les poches de ton pantalon te donnent un style faussement décontracté… une assurance , un genre.
C’était un dimanche ? Un jour de fête ? De balade ?
Un jour à Paris ? Dans un parc ? L’été ?
Étais tu amoureux de ma grand-mère ?
C’était une femme drôle ! sans manières ! sans chichi, toute simple ! Avec elle on perdait ses bonnes manières ! on se lâchait .
Comment vous êtes-vous connu ?
A une soirée parisienne ? ma grand-mère est arrivée en pastichant une parisienne .Elle était nature . Elle était Henriette à prendre ou à laisser avec son rire et sa gouaille.
Tu as du saisir tout de suite qui était ma grand-mère .
Tu as du sentir et être attiré par la force inébranlable de ma grand-mère , toi le grand sensible .Elle avait décidé toute seule de monter à la capitale à 18 ans avec 1 ou 2 recommandations en poche et son air jovial en bagage . Elle n’avait peur de rien ! avait confiance dans la vie .
Tu as voulu l’épater l’Henriette , lui donner une belle vie . Elle a joué au tennis , s’est baladé à Paris, a appris à jouer la bourgeoise. Elle s’est occupée de sa merveille son fils , Jean fort capricieux . Dans son 4 pièces de la rue d’Amsterdam elle était heureuse . C’était l’auberge espagnole au 5 éme étage. Les voisins débarquaient à l’heure du repas et elle composait avec ce qu’elle avait , quitte à partager un œuf !
J’aime cette simplicité et sa générosité !

Petite , j’ai subi l’influence de ma mère qui n’aimait pas la vulgarité de sa belle mère …
Mon grand père fatigué de sa vie est parti tôt quand il a su que son fils était ingénieur , avait un métier et allait épouser ma mère. Il s’est autorisé à partir !
Les gaz toxiques qu’il avait inhalés pendant la guerre , ajouté à l’immense travail qu’il avait dû accomplir afin de racheter sa faute professionnelle, l’avait tué avant son heure ! Connaître ma grand-mère fut pour lui la chance de sa vie , son rayon de lumière.
La belle vie qu’il avait construite , s’est effondrée un matin ! Ma grand-mère a sûrement pesté …mais rapidement a endossé sa nouvelle vie sans trop se plaindre. Elle a quitté sa vie de parisienne et est redevenue l’Henriette qui travaille : vendeuse dans une parfumerie , femme de ménage …
J’aime son côté volte-face , sa facilité à vivre ce qui est !
Mon grand père , a souffert d’être l’artisan de ce malheur , de ce déclassement social . Il avait promis une belle vie à sa femme et il ne pouvait plus honorer sa parole…Il ne s’est jamais remis de cette erreur ! Rembourser une immense somme pour un chèque sans provision ! Lui l’employé rigoureux , il avait fait confiance à un client connu et avait été trompé !
Cette injustice l’a tué ! Mais ma grand-mère j’en suis sûre ne lui a pas tenu rigueur de ce retournement de destin ! Elle ne m’a jamais parlé de ce passé . Je ne l’ai jamais entendu se plaindre.
Elle riait avec ses petite filles , leur achetait des bonbons , une vraie grand-mère gâteau , la mal aimée de ma mère !
J’aurais aimé avoir le loisir de câliner mon grand père André, blottie dans ses bras afin de lui faire oublier ce chèque en bois. Les câlins d’une petite fille lui auraient permis d’ oublier sa vie professionnelle compliquée et injuste !
J’aurais aimé pouvoir lui dire que l’erreur est humaine qu’il n’était pas devenu uniquement une FAUTE professionnelle .
Il avait fondé une famille , rendu une femme heureuse et avait tenté de partager des moments de complicité avec son fils en l’emmenant tous les dimanches regarder un match de football.
J’aurais aimé pouvoir lui répéter au creux de son oreille que j’ étais désolée que sa vie se soit effondrée ce maudit jour qu’il n’ait pu trouver la force en lui de rebondir .
J’aurais aimé lui montrer la force de ma grand-mère qu’il ne voyait plus noyé dans son chagrin .
Je câline mon grand père disparu . Puisse –t-il entendre mon message d’âme à âme !
J’embrasse ma grand-mère Paris en qui je bénis l’immense talent de vie !

lettre à grand-père

Cher grand-père,

Il est vrai que le choix que tu as fait n’était pas des plus facile.
Mais tu avais choisi de sauver ta peau et le prix à payer s’est inscrit si fort dans ton esprit
que les générations qui te suivent vivent cette charge.
Je veux simplement te communiquer par cette lettre que je n’ai aucun ressentiment ce que tu as vécu t’appartient et je n’ai aucun jugement à porter.
J’essaie Cher grand-père de mettre des mots sur des murmures à peine audibles mais qui ont tissé des images au plus profond de mon âme.
Celles de la grande guerre celle de quelque roi et empereur égocentriques qui allait précipiter tant d’hommes dans l’horreur dans la mort.
A ce propos ne t’appelait-on pas la Mort dans ton bataillon?
Cette Mort qui viendrait assurément au crépuscule quand la vitalité des soldats irréparables serait à bout de souffle.
Ce souffle qui râlerait inutilement longtemps après le coucher du soleil.
Ce souffle qu’il fallait alors libérer de sa chair ouverte rompue répandue.
Dans la tranchée on ne l’aimait pas la Mort quand elle passait discrète honteuse presqu’invisible on lui adressait volontiers des crachats dans le dos.
On ne lui parlait pas à la Mort n’est-pas grand-père.
Evidemment sur trois cent hommes qui devaient monter à l’assaut à peine cinquante le plus souvent s’en sortaient sain et sauf.
La Mort avait le privilège de ne point monter à l’assaut voilà bien le tabou que l’on lynchait à tout instant au réfectoire sous la terre à l’abri des obus.
Ceux qui avaient la chance inouïe de survivre à trois assauts alimentaient le tabou histoire de donner du corps à leur mort.
Du corps à leur mort tu leur en donnais toi grand-père
Baïonnette au canon de ton fusil au crépuscule
Tu les piquais en plein cœur
Il y avait des larmes des silences des soupirs des regards accrochés aux branches des arbres mutilés calcinés
A ces mêmes branches d’étranges guirlandes faites de matière cervicale d’intestins de bras de jambes se balançaient d’effroi
Et tu es revenu de la grande guerre grand-père et moi je suis revenu de ton enfer
Ton fils mon père lui tu le sais a payé assez cher dans son corps et son esprit ta guerre non dite
Nous sommes à présent réunis dans ces quelques mots et c’est essentiel

Je t’embrasse grand-père

Hydromiel de Lerne es

 

Sur le chemin de la clairière , après avoir traversé de vertes pâturages , grimpé des sentiers escarpés bordés de rochers et ravins , elle arrive sur une haute plaine , une tourbière humide et marécageuse , les couleurs se brouillent en jaune brun, le vent tombe et des odeurs de vague pourriture flottent par endroits au dessus des eaux stagnantes. Elle est entrée dans le territoire de Hydre de lerne , mais le flou et le brouillard se posent en strates sur sa vue et l’emmènent au bord du sommeil , elle ne sait même plus quel combat elle est venue livrer ici, quand , dans le silence gris et pesant un crapaud croassa .  C’était le rappel ! Avec effort elle tira les flèches de sa concentration, et des eaux pestilentielles surgit l’Hydre de Lerne , vision terrifiante et puissante . Ce monstre sortit de sillons si profondément creusés qu’il semblait invincible.

C’est au plus profond de sa peur et de son désespoir qu’elle fit appel au fées , anges et ancêtres et c’est là, à cet instant là , . que le héros se réveilla . Avec force et courage il mania l’épée pour couper toutes les têtes des pensées créatrices d’habitudes , qui diffusent une pénombre sinueuse et confortable , empêchant de voir clairement toutes les qualités qui sont déjà là.

Et comme ces têtes avait une telle vitalité qu’elles repoussaient au fur et à mesure , car leur force venait du fait qu’elles avaient été nourries si longuement et richement par les habitudes d’orgueil , aversion attachement et jalousies.

Le héros trouva encore de l’aide en chantant à tue-tête pour appeler la fée feu , qui avec un petit tintement cristallin cauterisait les plaies des têtes coupées , ce qui les empêchait de repousser.

Quand la dernière tête fut coupée, elle vit qu’il y avait de l’or , le même or qui brillait au noyau de son cœur. Elle enterra cette tête sous une pierre , car c’était sa place.

Elle reprit le chemin de la clairière allégé des pensées conditionnées , libre de la contrainte et de l’effort  de vouloir faire entrer la réalité dans ses petites cases , elle se mit à peindre et à chanter :

Poussière d’étoile , grain de sable ou Mont Mérou

Qui es-tu

Éclat de silence

Dans la brillance

Il n’y a pas de menace

J’ai de la place

pour danser dans l’éspace

à la manière particulière

dans la couleur du jour nouveau

Splendide illusion de la séparation

Beauté des inhibitions

qui s’éffilochent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

24 décembre 1961 Réveillon de Noël

J’étais encore petit mais je me souviens il y avait quelque chose de sacré, une énergie de joie
de paix de réconciliation enveloppait la salle à manger
Le soir de Noël avant les cadeaux trouvés au pied du sapin le lendemain matin.
C’était comme une oasis dans le désert.
Ma mère mettait une jolie nappe sur la table puis déposait le service japonais des belles assiettes qui brillaient
aussi des fourchettes des couteaux des cuillères des jolis verres.
L’arbre de Noël était beau tout étincelait dans la salle à manger
Mon père devait communiquer son bonheur quand il ouvrait les huitres alors que le plus souvent
ses yeux son visage paraissaient décomposés
Ce soir là magique avec le recul des années j’imagine que je devais être accueilli par l’intelligence de la vie
Ma mère avait mis sa brutalité quotidienne au placard je suppose à moins que ce ne soit l’habitude
Ce soir là la magie de la situation avait certainement coupé quelques têtes de l’Hydre de Lerne
Coupées cautérisées.

piège en eau trouble

Perdu dans l’Hydre de Lerne au fond du lac

Mon grand-père paternel achève les mortellement blessés du dernier assaut

Les regards sont intenses

Mon père rêve éveillé sur une balançoire sévèrement activée par ce cauchemar réel

Une des chaines de la balançoire cède par la force de la terreur

L’épaule gauche de mon père heurte violement le tronc de l’arbre

Mutilé à vie

Mon grand-père n’achèvera pas le blessé

Une grande tendresse les unira

L’histoire dit que mon grand-père est mort dans les bras de mon père

Mon épaule gauche est toujours surélevée bien que parfaitement constituée

« le pauvre petit » disait ma grand-mère de son fils

« il ne fera jamais rien »

 »

 

 

[consignes d’écriture] créations narratives de décembre

voici les consignes  en lien avec le travail de ce mois :

1- Actualisez « l’hydre de Lerne » dans votre vie, à l’époque que vous voulez, dans le domaine que vous voulez.  Faites le récit d’une situation, relation ou personne qui représente pour vous ce que vous ressentez de ce monstre. Et comment vous avez réussi à « couper quelques têtes » sans qu’elles repoussent ou êtes sur le point de le faire.

2- Racontez un repas de fête. mettez-le en scène comme vous voulez. Soit un repas que vous avez vécu soit un repas que vous imaginez. Vous pouvez parler à la troisième personne, ou à la première, ou décrire la scène en travestissant l’identité des personnages.

3- Si l’un de vos ancêtres, que vous avez connu ou pas, se manifeste avec insistance dans votre esprit lors du travail avec le génogramme, écrivez-lui une lettre en laissant votre inspiration vous guider.

Vous pouvez répondre à une, deux ou trois consignes ou plusieurs fois à la même selon votre inspiration du moment. Sentez vous libre de la forme et du style.

Au bonheur des lectures partagées

wangmo