Les Cinq Racines,  Mandala des contes

Un papillon de résilience pour traverser l’année vers 2021

Il était une fois quelques ailes en chemin qui se posèrent devant ma porte.
Là à l’instant, devant mes yeux, de jolis papillons dansaient en pas de deux. Ils traçaient dans l’espace un sentier joyeux et imprévisible, et soudain disparaissaient vers le fond du champ à l’horizon joint du ciel et de la terre.
Alors que Léa cousait ses Mariposa, ses papillons-broches en tissu, et que je préparais un séminaire sur la résilience, mon intuition saisit l’opportunité du moment.
Le papillon me faisait signe de le suivre, pour écouter l’histoire de sa métamorphose.

Il était une paire d’ailes et de zèles qui s’étaient unis en papillon qui ne savait pas qu’il était un papillon. Je sais il y a beaucoup de verbes être. Comment est-ce possible me direz-vous ? Il arrive que nous ne voyons pas ce que nous avons sous le nez précisément parce que la chose est collée trop près. Ce sont les effets d’optique de certains tracés psychiques à la gueule en biais, qui tournent en boucle, voire en roue infernale. Rien d’anormal rassurez-vous. Tout le monde a ces travers et ces guingois.
Un papillon lui aussi a plus d’une identité, il peut être héros de contes, comme Pape Illion ou passeur de rives guidant nos âmes en Pas par millions. Il y a tant d’histoires…
Mais revenons à notre Papillon qui ne savait pas qu’il était un papillon et se prenait les pattes dans les lacets de ses guenilles, il se croyait chenille.

Ce n’était pas toujours drôle. Notre pauvre chenille était fatiguée de ramper à s’en damner les blattes. Et elle ne comprenait pas cet état de glossitude. La glossitude est à la chenille ce que la lassitude procrastinatoire est à l’humaine condition.

Un jour, le préféré de Pooh l’ourson taoiste, elle décide de sortir de ses habitudes et de prendre de la hauteur. Elle commence à escalader un arbre au grand tronc. Ses branches sont en forme de lames aiguisées et ses feuilles trempées de larmes.
A vrai dire, c’est sous cet arbre qu’elle avait vécu et grandi depuis des temps jadis, si lointains qu’elle ne se rappelait plus depuis combien exactement, des lignées et des lignées à n’en plus voir le bout.
De cet arbre elle avait parfois reçu quelques cadeaux, comme cette phrase qui lui revenait en tête aujourd’hui :

le plus beau cadeau que nous pouvons offrir au monde est celui de notre propre accomplissement. Pour cela il est bon de savoir rentrer chez soi.

C’était sans doute la phrase d’un grand sage ou d’une mère Mariposa dont elle avait eu un aperçu dans ses rêves, enfant. Elle aimait cette idée qu’elle se répétait comme une devise. Elle l’avait même écrite sur le miroir de sa salle de bains sans savoir vraiment ce qu’elle signifiait. On fait tant de choses dont on ignore la finalité ! Me direz-vous et vous aurez raison.

Elle se met à grimper et s’y reprend à plusieurs patins, elle glisse et tombe, et re, et parfois lorsqu’elle réussit à avancer un peu plus elle écorche sa peau aux branches aiguisées ou risque la noyade dans les larmes de quelques feuilles balancées par le vent.
Malgré tout elle persévère, se rappelant comme un mantra une phrase cadeau tombée de là-haut : ce que nous acceptons totalement, calmement et tranquillement nous transforme vraiment.

Après plusieurs Everest, elle parvient au sommet de la plus haute branche. Wahouh, de là ce qu’elle découvre la laisse baba. Tout en haut de cet arbre immense, elle aperçoit qu’elle n’est pas seule, il y a la forêt et sa canopée.
Sakura, c’est le nom qu’il vient de lui être donné, découvre un monde nouveau qu’elle ne pouvait percevoir d’en bas. La vie si belle sous la chaleur vibrante du soleil et l’horizon à perte de vue qui étend ses bras en broderie de lumière bleue à l’intensité d’océan. Elle respire, et se sent envahie d’une grande paix.
Calmement, tranquillement, elle observe avec la plus grande des attentions ces écosystèmes, leur diversité, leur mouvement constant. Elle a envie de contribuer à toutes ces dynamiques de reliaisons qu’elle perçoit comme un merveilleux champs de possibles.

Cette nuit-là du haut de la canopée, sur sa branche la plus paisible, elle s’endort et rêve qu’elle mute en un autre être. La Mariposa de ses ancêtres lui apparaît et lui signifie par moult battements d’ailes que le temps est venu pour elle de réaliser qu’elle doit participer sans plus tarder à sa propre transformation.

Ce rêve de métamorphose est si fort qu’elle sent pousser autour d’elle une chrysalide qui finit par l’oppresser. Elle se sent maintenue et de plus en plus impuissante à se dégager de cette sensation de mue profonde, d’être terrassée, comme quand le rêve vire au cauchemar. Elle a aussi la conscience que quelque chose d’important est en train de se passer.
Elle sombre dans la nuit noire. A son réveil le cauchemar continue, elle n’arrive plus à bouger. Serait-elle piégée dans ce cocon coriace qui l’enserre sans pitié?
Elle appelle au secours, à l’aide, qu’on vienne la délivrer. Mais personne ne répond. A force d’adhésion à cette impuissance qui ne se résigne pas quelque chose se passe, c’est Enki, un papillon d’or et d’argent, qui apparaît, un totem Sioux sur le corps.
Cher Enki, peux-tu me délivrer ? Je souffre terriblement.
Synchronise-toi totalement à ce moment jolie Sakura. Car cette métamorphose que tu es en train de vivre nul ne peut l’accomplir à ta place. C’est toi et toi seule qui doit traverser ce processus, ne panique pas, observe tranquillement, calmement, au plus profond de ton intériorité et tu trouveras, par le cœur libéré, la sortie tant espérée.
Est-ce vraiment indispensable de tant souffrir ?
Quitter son identité de chenille pour devenir papillon est douloureux. Il y a tant d’habitudes mesquines, de pensées grignotantes, de croyances sclérosantes, d’attachements baveux, de peurs insolites, qu’il est difficile de quitter toute cette zone de confort.

Même seule et perdue, sans repère et sans savoir ni où ni comment éclore, tu dois laisser derrière toi ton passé d’invertébré.
Sens le réconfort de ma présence, de mes paroles et laisse s’accomplir le miracle.

Ah ce temps qui étale son corps de souffrance, il faut l’avoir vécu pour le reconnaître, pour en savoir le désespoir, et le lâcher-prise final.

Enfin elle réussit à sortir de l’étreinte de son cocon et arrive complètement nue et vulnérable au jour, le préféré de Pooh. Sa coquille s’est brisée, laissant place à deux ailes de soie fragiles et splendides.

Même dans le miroir qu’on lui tend, elle ne s’y fait pas, elle a été depuis si longtemps une chenille qu’elle ne peut croire à ses nouvelles perceptions.
Et que faire de ces ailes ?
Enki lui précise qu’il faut encore souffrir un peu dans ce processus, et attendre que ces ailes se consolident. D’autres papillons qui passent et repassent devant nos yeux sont déjà passés par là, lâche-t-il avant de s’envoler.
Sakura décide de descendre de l’arbre et s’y prend comme la chenille qu’elle pense toujours être. Mais ses ailes lui pèsent. C’est devenu compliqué de faire comme avant. Elle ressemble à l’albatros des marins, maladroit sur la terre mais habile dans les… Cette pensée la soulève. Bien sûr il suffisait à présent d’utiliser ses ailes et de voler librement dans l’espace ouvert. Et si j’essayais ?

Ce qui pour la chenille s’appelle la fin du monde, s’appelle un papillon pour le reste du monde dit Pooh l’ourson taoiste qui dormait sous l’arbre de son jour préféré.

Sakura s’envole sur le champ. Elle se met à danser, à déployer ses ailes, à les ouvrir encore et encore, à avancer avec la merveilleuse complicité du vent.
Certes au début elle eut un peu peur de cette nouvelle puissance. Mais ne pas utiliser ses ailes aurait été la pire des erreurs. Voilà ce qu’elle dirait elle-même si elle devait apparaître dans le rêve d’une chenille en transformation et qui doute : sers toi de tes ailes, de qui tu es vraiment pour avancer. Tu pourras alors faire face aux grandes tempêtes, tes ailes se renforceront, ta vulnérabilité deviendra résilience. Tu iras avec facilité vers plus de lumière encore, tu vivras ce que tous vivent, la transformation, le changement dans un monde lui-même changeant et en constante évolution.
Regarde autour de toi, chaque être a à vivre ce processus de changement qui jamais ne s’arrête. La terre aussi change. Elle aussi vit des bouleversements, et de demain nous ne savons rien.

Quant à la peur de voler de ses propres ailes, elle disparaît dans l’acte même, c’est là le secret du lâcher-prise. Adhérer à ses ailes est l’acte de confiance absolue, se jeter dans le vide en rêvant, avec le mouvement d’un funambule prêt à rebondir. Certes l’adversité est de la partie, alors même en 2021 tu échoueras, tu connaîtras le fond des puits, tu avanceras masqué peut-être, te demandant à quoi rime tout ça, pense à garder le cœur déconfiné et la conscience à l’orée d’un nouvel âge, ne reste pas seul.e, parles en à Pooh, parles en à toutes les Mariposa de Léa posées sur la table, prêtes à s’envoler et à t’accompagner vers de nouvelles aventures et contributions :

2021 le voulez-vous bien au coeur des liens ?

Si oui déployez vos zèles près d’autres ailes et écrivons ensemble
dans le ciel de nos coeurs que rien n’est encore écrit –

Merci de vos présences à tapoter sur nos écrans-écrins de 2020 et au plaisir de nouvelles envolées avec vous en 2021 –

Belle fêtes à toutes et tous –

Enseignante de la psychologie bouddhiste et thérapeute systémique par les contes et les constellations systémiques. Conceptrice de Racines de la Présence.

Un commentaire

  • zoe50

    Un immense merci pour ce beau texte plein de douceur et rempli de la volonté de l’accomplissement. Il me rapelle la retraite de l’été passé à la cour de Crest, dans ce beau décor avec des personnes inspirantes et ta présence « ailes de papillon » qui nous enveloppait tous. Le décor de la cour de Crest peut prendre différente formes, il se trouve dans d’autres lieux, dans d’autres espaces, dans l’espace virtuel et les flammes du feu continuent à danser. Quelle paix, seul l’environnement change.

    Belle année à toi et à tous ceux qui te sont chers et au-delà.

    En lien de coeur.

    Claudine

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