Mindfulness : esprit plein ou esprit vide?
David Brazier (également connu sous le nom de Dharmavidya) nous fait le plaisir ce mois-ci de partager sa vision sur le courant mindfulness.
Cet article ouvre une série de collaboration de Racines de la Présence avec des auteurs contemporains nous faisant l’offrande de textes inédits s’inscrivant dans la perspective du bouddhisme occidental contemporain.
Un nouveau mot à la mode
Il y a actuellement une mode florissante pour l’expression « mindfulness« . Dans les langues latines cela a été traduit comme “pleine conscience« , « consciencia plena”. La plupart d’entre nous connaît un peu la façon dont cette idée contemporaine a été développée par l’Américain John Kabat-Zinn pour une utilisation dans les milieux médicaux et s’est depuis étendue à la psychologie et même aux entreprises et à l’armée. La pleine conscience est aujourd’hui définie comme une forme délibérée et sans jugement de l’attention à ce qui est immédiatement présent, soit dans son corps ou dans son environnement immédiat. Si une personne se cogne la tête sur un cadre de porte trop bas ou renverse sa tasse de thé parce qu’elle était perdue dans ses pensées, nous disons qu’elle n’a pas été suffisamment consciente. Ce genre de pleine conscience est reconnue pour être efficace dans l’interruption des trains de pensées. Elle peut donc être utile comme outil thérapeutique pour les personnes dont le flot de pensées est plein d’anxiété ou de morbidité. ”Mindfulness” est ainsi devenu un «traitement» ou un remède préventif au stress, à la dépression, à l’anxiété et d’autres formes de rumination négative. Fondamentalement, il consiste à développer une compétence et une habitude à interrompre périodiquement un tel courant de pensée en focalisant l’esprit sur la conscience directe de quelque chose d’immédiatement présent, comme le bleu du ciel, le goût de ce que l’on mange, la couleur du dos de votre main, ou des sensations présentes dans votre corps. Ceci est une technique efficace. Lorsqu’elle est bien faite, elle vide l’esprit, au moins momentanément, des obsessions troublantes. Comme la vie moderne est pleine de ces obsessions, l’arrivée d’une méthode simple pour réduire leur effet pernicieux est à saluer. Il est, cependant, intéressant de voir comment une méthode appelée « mindfulness » dont le nom est composé de mots anglais «esprit» et «plein» en est venu à être le libellé d’une méthode pour vider l’esprit.
Origines Bouddhistes
Je suppose que nous savons tous que l’idée de la pleine conscience vient du bouddhisme, faut-il en déduire que le bouddhisme enseigne que l’on doit jeter le passé et l’avenir afin de vivre dans le moment présent tout le temps? Comment se fait-il que Bouddha lui-même ait raconté beaucoup d’histoires passionnantes de ses vies passées, ou de la propre nuit de son illumination? Pourquoi, lorsqu’il est confronté à Kisagotami dont le bébé était mort récemment, l’a-t-il envoyée faire le tour du village pour entendre les souvenirs de douleur de toutes les autres personnes dont les proches et les chers parents étaient morts? Pourquoi ne pas lui dire d’interrompre sa douleur et de juste demeurer dans le moment présent? Pourquoi ne pas lui apprendre une technique de méditation qui lui permettrait de se débarrasser de la sensation désagréable? Dans sa grande sagesse, le Bouddha l’a invité à faire une série de rencontres avec le passé de chacun afin d’éprouver la grande profondeur de sentiment qui peut en découler lorsque l’esprit revient et se concentre à nouveau sur des choses qui ne sont plus présentes mais qui ont été capitales dans la vie. Il ne lui dit pas de lâcher ces choses, mais de les tenir et d’apprendre. Ce faisant, il a enseigné sa grande compassion et lui a permis d’aller au-delà elle-même. Il lui a rempli le cœur et l’esprit d’un remède douloureux mais très bénéfique. Il lui a ainsi appris un autre genre de pleine conscience.
David Brazier, auteur de nombreux livres dont Bouddhisme & psychothérapie est directeur de l’institut ITZI (International Therapy Zen Institute), dont l’objet est la mise en réseau d’enseignants bouddhistes psychothérapeutes occidentaux à travers le monde et auquel Racines de la Présence est affilié.