Contributions des "racinés",  Ecritures

Les rencontres de Manon

Cette variation signée par Catherine répond à l’invitation à jouer avec le conte en changeant les règles de départ, l’époque, etc.
Invitation à se sentir libre et à s’amuser en inventant sa version.

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Les rencontres de Manon

Ou le petit chaperon rouge 2021

Manon, une brunette délurée d’une dizaine d’années, toujours vêtue de rouge, s’ennuyait ferme en classe. Pourtant tous les matins, elle décidait d’écouter sa maitresse mais son esprit s’échappait par la fenêtre et rejoignait les oiseaux ou parfois sa tête devenait lourde, ses yeux papillonnaient et elle poursuivait sa nuit, la tête sur le pupitre.

L’enseignante avait observé qu’il était juste impossible à Manon de rester attentive plusieurs heures d’affilée. L’immobilité et l’abstraction ne convenaient pas à la fillette.

Le dernier jour de juin, l’institutrice proposa un jeu de piste pour clore gaiement l’année scolaire.

Manon explosa de joie. Enfin un changement dans sa vie trop monotone ! Sans attendre davantage, elle partit en courant dans le bois situé à quelques enjambées de l’école. La forêt où tous les jours, elle rêvait de gambader au lieu de rester assise sur sa chaise. Manon, courut d’un arbre à l’autre, enlaça, caressa des bouleaux puis des chênes. Tous lui semblaient plus beaux les uns que les autres. Elle s’accroupit au milieu des fougères, observa un écureuil qui sautait de branche en branche, écouta le pépiement joyeux des moineaux, s’émerveilla des fleurs violettes et blanches et enfouit son visage dans leurs corolles. Elle oublia le jeu de piste et les énigmes à résoudre. Elle était heureuse d’être libre de ses mouvements, sans entrave. Manon marcha longtemps, les mains chargées de fleurs et arriva dans une petite clairière où elle s’endormit, baignée par une lumière douce. Elle entendit un bruit, entrouvrit les yeux et vit un jeune homme près d’elle, tout de cuir vêtu, mal rasé, l’air un peu étrange, les yeux brillants.

Manon sortit de l’enchantement dans lequel elle voguait depuis sa balade matinale. « Que voulez-vous ? Qui êtes-vous ? Pourquoi vous me dévisagez ? » Paul, le petit loubard paumé dans sa vie ne trouva rien à rétorquer à cette jeune pubère qui n’avait pas froid aux yeux.

« Je me baladai et je t’ai vu allongée au soleil. Je me suis dit qu’il fallait te prévenir que les forêts ne sont pas des lieux fréquentables pour des très jeunes filles. Où vas-tu ? »

Manon parla du jeu de piste qu’elle avait délaissé et de sa profonde attirance pour la nature.

« C’est dangereux de se promener à ton âge, seule, dans les bois ! Tu as raison de vouloir découvrir la forêt mais tu dois te méfier des mauvaises rencontres »

« Ah ! Vous êtes une mauvaise rencontre ? »

« Oui je fume du H, je picole et suis sorti du système scolaire. Je suis un exemple à ne pas suivre. » Paul omit d’évoquer la violence de son désir face à son jeune corps à demi dénudé abandonné au soleil estival. Quelques minutes plus tôt, il l’avait aperçu de loin, avait couru vers ce cadeau inespéré : une fille pour lui ! En s’approchant de son butin, il avait déchanté, elle paraissait vraiment très jeune.

Manon intriguée par ce gaillard différent des grands de l’école, se sentit attirée par le goût d’interdit et de transgression qui émanait de lui.

Paul lui donna rendez-vous le lendemain à la sortie de l’école dans ce même lieu, il l’initierait à la fumette. Puis il lui conseilla de retrouver vite sa classe avant que sa maitresse ne prévienne la police.

La gamine obtempéra et pensa, grâce aux propos de Paul, à la peur qu’avait dû susciter sa disparition. Au lieu de rencontre, elle arriva essoufflée, échevelée, couverte d’égratignures et un grand sourire accroché à son visage. Elle fut assaillie de questions. Manon les éluda. Sa journée solitaire au sein de la nature resterait son secret. Elle laissa son agitation intérieure se déposer, se repassa le film de sa journée. Le soir Manon confia ses aventures à son vieux nounours, le confident de toutes ses joies et tracas et comprit qu’elle ne devait pas revoir Paul. Elle intuitait qu’elle avait échappé à un danger. Aujourd’hui, elle avait senti émerger en elle, une passion naissante et puissante pour les fleurs et les arbres. Elle en parla à sa mère et le projet d’une école d’horticulture s’ébaucha.

Paul se félicita de ne pas avoir abimé la très jeune fille rencontrée dans la clairière. Une amorce de meilleure image de lui-même chemina en lui.

Catherine, 3 janvier 2021

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