Changer de vision,  Mandala des contes

La figure du mandala

L’article qui suit est un extrait du transcript de la première session Le Mandala des Contes qui a eu lieu à Lyon les 12 & 13 décembre 2015.

Cosmos
Représentation du cosmos – XVème s.

La figure du mandala nous est plus ou moins familière. Nous la retrouvons sous de nombreuses formes : dessins à colorier, jardins, mandalas de sable etc.
Il y a quelques années j’avais interviewé une enseignante, et qui avait introduit les mandalas. Elle ne pouvait pas dire mandala, ça n’était pas politiquement correct, alors elle a appelé ces dessins : « poésie de la géométrie ». Elle aidait des enfants en difficulté. Je m’intéressais aux schémas heuristiques et cela m’intriguait de savoir ce qu’elle faisait avec le mandala qui était une application du schéma heuristique, et, par exemple pour les élèves qui avaient du mal à travailler, rien que le fait d’amener les compas, les crayons bien taillés, etc., objectivait la relation et facilitait l’apprentissage. Si l’enfant ne trace pas droit, il doit réapprendre à utiliser son compas. Les élèves faisaient des formes, écrivaient à côté, ce qui leur permettait de passer de l’image au langage qui était souvent une difficulté pour eux, étant donné leur milieu social et culturel.

« La poésie de la géométrie », « Chaos ordonné, créatif » – Trungpa

En tibétain MANDALA se dit KYLKHOR : une organisation entre le centre KYL et la périphérie KHOR. D’une façon analogique, on peut utiliser cette trame pour beaucoup de chose.

Au CENTRE de mon expérience, il y a MOI avec mes relations, tout ce qui est lié à la PÉRIPHÉRIE, AUTRE en général. C’est comme cela que dans l’enseignement  traditionnel nous parlons du mandala de la dualité ; il y a MOI – la PÉRIPHÉRIE – et toutes les relations que j’entretiens entre les deux. Il s’agit d’aller de cela à une transformation de ces énergies de départ. Aller de la fermeture à l’ouverture.
La notion de mandala nous parle d’une aspiration profonde que nous avons tous de retrouver une unité réelle, incarnée : unité du corps, de nos émotions et de notre esprit.
C’est aussi l’unité qui relie deux êtres qui s’aiment ou l’unité qui relie la communauté de tous les êtres humains, l’unité qui nous relie à la nature.
Le mandala nous apprend à retrouver un monde qui est unité harmonieuse où nous pouvons nous poser et nous sentir à nouveau reliés aux êtres et aux choses.

Le mandala des contes

Huichol
Peinture traditionnelle Huichol

Dans les contes, un royaume est un mandala fait de tous les liens et de toutes les choses qui convergent vers cette unité harmonieuse. Dans cette unité nous ne sommes plus isolés, seuls, coupés de nous et d’autrui, nous percevons la splendeur de ce qui est entier.
Cette splendeur est l’émerveillement devant la beauté de ce qui est pour peu que je laisse se déployer ce qui est, dans une présence pleine et entière.

Le roi se meurt, le royaume perd son unité, est en danger de dévastation, d’où la nécessité de retrouver ce qui pourrait à nouveau redonner l’harmonie.
Lorsque nous parlons de beauté ou d’harmonie, il ne s’agit pas de correspondre à des critères définis de beauté ou d’harmonie mais d’une qualité de présence qui irradie d’une joie qui rend beau. Mieux nous aimons et mieux nous voyons la beauté.

Dans les contes, l’amour permet la métamorphose, la révélation de la véritable identité.
En aimant nous révélons la beauté de l’autre, comme dans le conte de La belle et la bête, et bien d’autres illustrent cette idée.
La beauté implique de pouvoir laisser ce qui est apparaître pleinement.

Nous entrons dans le mandala du monde, quelque soit notre situation lorsque nous sommes capable d’un tel regard. Du lit d’hôpital, nous entendons un oiseau chanter ou un rayon de soleil pénètre la pièce, tout fait signe vers l’éclat majestueux de la vie.
Dans les contes, la beauté de la princesse à la chevelure d’or est le centre du mandala du royaume dont l’appel à la beauté est l’appel de ce lien magique au monde.

les portes de la présence
Les portes de la présence – Catia Adami

La peur de perdre ce lien, les événements qui appauvrissent, les imprévus tragiques, et bien d’autres choses nous épuisent. Toute voie repose sur cette reconquête du lien intrinsèque qui nous relie au monde et à nous même.
Pour nous relier à nouveau, nous réharmonisons le corps et l’esprit, en nous rapprochant du corps. La pratique de la méditation permet d’accepter l’ouverture et l’aspect discontinu de notre expérience. Nous découvrons que nous ne sommes pas des blocs, des monolithes. L’expérience du vivant est colorée, pleine de textures, de luminosités, d’impacts divers.

Lorsque nous nous sentons dans l’unité alors il est facile de se relier à quelqu’un d’autre en tant qu’unité propre et au monde lui-même.
Le centre de cette unité est le cœur, le cœur vivant, vibrant qui palpite et s’ouvre à sa vérité.
Tracer un mandala ou le contempler est la quête de la beauté et de l’harmonie retrouvée en revenant à la vérité de l’amour.
Tout conte nous convie à ce festin, à ces noces de beauté, de vérité et d’amour.

Comment retrouver cet ordre inapparent qui nous met pleinement en rapport avec la nature, les hommes, le mystère sacré de l’existence ?

Amitayus_Mandala
Mandala d’amitayus

Le terme mandala en sanscrit désigne un cercle : ce qui est rassemblé unitairement dans une limite donnée. Le mandala est en fait un espace dans lequel se déploie une situation ayant sa cohérence propre. Un jeu entre un espace et des limites.
Totalité non totalitaire car le totalitarisme n’admet aucune opposition, nie toute différence, dans une uniformité imposée. Il faut donc entendre totalité au sens d’entièreté, qui est la qualité de ce à quoi rien ne manque pour être, une plénitude.
Dans le mandala s’accueillent et se libèrent les qualités dans leur entièreté. Ombres et lumières, perfections et imperfections, singularité habitent cette plénitude ouverte et en mouvement.

Le mandala nous invite à apparaître pleinement. Dans la résonance d’un conte, nous traçons sur le papier couleurs et textures afin d’y voir le miroir de ce que nous sommes, d’une manière directe et vivante.
Le miroir est un mandala, il montre l’harmonie ou la disharmonie, il laisse apparaître pleinement sans juger et favorise ainsi la liberté nécessaire pour que chaque chose soit à sa place à sa façon.
Si nous ne saisissons pas cet aspect, alors nous allons vivre la résonance sur le papier comme un exercice distant de nous-mêmes alors qu’il s’agit au contraire de se rapprocher de soi. L’expression plastique va progressivement favoriser cette déliance naturelle de l’esprit, du cœur et de l’âme. La princesse osera aller au bal dans ses robes de couleur et se montrer dans son harmonie propre.


Prochaine session du mandala des contes :
Entre ciel et terre, l’arbre-monde, les 5 & 6 mars 2016

Enseignante de la psychologie bouddhiste et thérapeute systémique par les contes et les constellations systémiques. Conceptrice de Racines de la Présence.

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