On y entre en poussant un petit portail bleu clair et grinçant. On y entre et immédiatement on y disparaît. Un pas seulement, un petit pas, même hésitant… et on est absorbé, immergé. A moins que ce ne soit nous qui l’ayons intégré ? Plus tard, je me souviendrai de ce « passage » comme un mouvement naturel, un doux accueil, un souffle…

Pour l’instant, ni dehors, ni dedans, j’avance doucement. Et si cela vous semble banal, c’est que vous n’avez pas eu encore la chance de vous y promener. Une jungle. C’est une vrai jungle. Dense. Compacte. Luxuriante. Qui sent l’humus et la chair fraîche. La chair oui, la chair de la terre, la chair de la vie qui jaillit. A l’endroit et à l’envers : on sent qu’il y a toute une vie « dessous » aussi, une vie souterraine. Quant au ciel, on pourrait le croire caché par la canopée. A tort. En réalité, la jungle EST le ciel. Cela semble incroyable. Pourtant il ne peut en être autrement, tant ce lieu est lumineux. D’ailleurs, malgré la végétation foisonnante, il n’y a aucune sensation d’étouffement. L’air est doux et juste assez frais. On se sent délicatement enveloppé par cette flore sauvage et accueillante, débordante et fragile… cet océan de verdure. On perçoit aussi que la faune qu’il abrite est tout aussi riche et variée, quoique la plupart du temps invisible à l’oeil non averti.

Mais l’on s’y déplace aisément. La végétation semble s’ouvrir devant nous, nous livrant un passage, et il y a parfois de petits sentiers. En fait, il est facile de se mouvoir… chez soi.

Je connais cet endroit. Ou plutôt, je le reconnais. Alors, j’entends les bruits. Les feuilles qui frémissent, les branches qui craquent, les frottements, grattements, battements ; puis les feulements, piaillements, sifflements, grognements, et des rires d’enfants.

Enfin, ils apparaissent. Il suffisait de croire en eux pour qu’ils se montrent. Tous sont là : sauterelles, coccinelles, insectes en tout genre, ceux qui font bzz bzz, et ceux qui font crrr crrr ; les oiseaux de paradis et d’ailleurs qui me frôlent d’une aile aérienne ; les tortues, taupes et vers de terre ; les chiens, chats, vaches, chevaux, ânes, poneys, et tout ce que la création a pu imaginer! Il y a aussi Confiance l’Escargot (qui n’arrive pas toujours à propos), Intuition le Papillon (qui parfois tombe dans des pièges à … Pardon!), et Généreux l’Ecureuil, mais vous ne le verrez sûrement pas, il est très occupé à vérifier que rien ne va lui manquer!

Je m’assois sur la balançoire. Elle a toujours été là. Et j’écoute le clapotis de la fontaine qui s’écoule dans le bac en pierre. Il a toujours été là lui aussi. Pour baigner le cygne. A moins que le cygne n’ait été là encore avant ? En tout cas, dans ses souvenirs, il est arrivé après qu’il ait été un vilain petit canard (une vieille histoire qu’il aime à raconter à qui veut bien l’écouter).

La jungle vit. Simplement. Il n’y a rien à faire. Il suffit d’y être.

Enfin, il y a bien un recoin à l’air cramé, dont je devrais m’occuper… Il est au fond, là-bas, le long du parapet. Vous n’aviez pas vu ? C’est un jardin suspendu ! Il surplombe une prairie immense où le ciel émerge et qui se poursuit en forêt vallonnée. Pour y aller, il suffit de descendre le petit escalier taillé à même le rocher. Vertigineux, mais de toute beauté. Des vaches y paissent toute l’année. Je vais vous faire visiter ! Ah ? Vous préférez voir le carré de terre brûlée ? Quelle drôle d’idée… c’est juste un carré. A une époque deux jolies fleurs y avaient poussées. Elles étaient d’une telle beauté que la jungle entière avait reculé pour les voir s’épanouir. Mais elles étaient aussi fragiles que belles, et un matin, elles s’étaient envolées. La jungle a protégé cet espace en attendant qu’il refleurisse. Mais, plus rien n’a poussé. Pourtant, cette terre est extraordinairement fertile ! On l’utilise parfois pour nourrir le reste de la jungle : voyez vous-même le résultat ! Et les animaux aiment aller s’y coucher pour se ressourcer. Avec le temps elle est devenue noire comme ces terrains que l’on brûle afin que la cendre enrichisse le sol, comme… une terre brûlée.

Mais comme le dit René (la Taupe), qui a toujours un point de vue éclairant : ce carré noir, c’est comme une page blanche, tout y est possible !

Voilà, vous avez tout vu ! En tout cas, tout ce qui est visible… Et tel que c’était le temps de cette promenade… Maintenant, tout a déjà tellement changé ! Et, bien sûr, je ne vous ai pas montré le jardin du monde du dessous… ni du monde du dessus… ni du monde inverti… Avec celui du monde intérieur, se sont les quatre domaines de forces très puissantes qui ne demandent qu’à sortir au grand jour et à s’exprimer. En nous promenant dans le jardin intérieur, nous les avons peut-être réveillées… Je connaissais leur existence depuis longtemps et les savais assoupies… Je me faisais discrète car je n’étais pas sûre de savoir les dompter…

Vous vous demandez peut-être quelles sont ces forces mystérieuses?

Et bien, il s’agit … des Quatre Animaux des Temps Jadis… Vous voudriez peut-être que je vous conte leur fabuleuse histoire ??

Pour cela, vous devrez participer au prochain atelier d’écriture !!