LA CLE

Elle me garde toute la journée dans sa poche

Je suis comme un talisman une promesse de retour

Elle a accroché une image au porte-clé

Qui tintinnabule doucement quand cela cogne ma clé

-Je suis là, dis-je, je la rassure

Quand elle doit trouver une solution, je cligne du fond

De ma grotte je suis son sésame, tout pour lui donner

L’idée au-delà des arcanes du mystère

Le soir venu, enfin ! à fond dans la serrure, miracle !

On entre toutes les deux ensemble

Mais depuis des jours et des jours je languis sur la tablette

Dans le vide-poches je trône seule sur ce plat

Une belle céramique signée Cocteau

Je rêve, elle aussi

Son regard errant se pose sur les objets, les murs

Je grince je crisse je craque je me cogne pour la réveiller

– Allons allons je suis là, ne désespère pas, je t’ouvrirai encore des lendemains heureux

Je suis le dehors et le dedans mais enfin le confinement ce n’est pas la fin du monde

Alors elle me tend à bout de bras, rêvant d’horizons lointains

Et des bras de son amoureux et du sentier qui mène vers les amis du Chemin

– Allons allons c’est l’occasion magnifique de découvrir le chemin en toi

– C’est vrai se dit-elle, c’est en soi qu’on puise la force de vie comme au fond d’un puits

– Ah bien voilà, enfin elle se secoure !

Seule devant l’immensité je contemplais

Je fondais mon métal semblait s’amollir à la douceur de ses doigts

– Allons allons ne pleure pas, vous vous parlez tous les jours, il ne t’a pas abandonnée

Elle me regarde, me scrute semble-t-il, ce langage caché se dévoilait dans mes veines

Comme si elle me voyait danser d’une porte à l’autre, avec un don d’ubiquité

Comme si je pouvais jouer à me multiplier me transporter chez lui avec une missive entre pattes de colombe

Une clé qui n’a rien à ouvrir ni à fermer c’est ridicule

Avant… aaah avant ! J’étais énorme, j’appartenais au trousseau de l’arrière grand-mère, pendouillant à sa ceinture

Une des clés gardait l’armoire aux confitures, une autre la réserve de dentelles et de tissus, celle du grenier, celle de la pièce entre

deux étages dont la porte était si basse que même les enfants devaient se pencher pour y entrer mais ils n’avaient pas le droit

d’y aller, mais ils guettaient le bâillement de la chambre-mystère, et toutes les autres clés

J’ouvre et je ferme

Je ne suis jamais ni dehors ni dedans

Un l’entre-deux

Je fais la marche du temps

En me glissant je ne glisse jamais

Incassable

Je sors toujours du cadre

– Je suis une légende

Gardienne de la maison

Du domaine des dieux

Je vous ramène au temps des mythes

A l’origine des mondes

– Cela rassure et brise tous les temps de fermeture

Mon sésame à moi c’est le tour sur moi-même

Je ne tourne jamais en rond comme les voisins du dessus en confinement on les entend marcher beaucoup de bruit

Et dans la cage d’escalier ici ou là la rue ça court ça monte ça descend

Histoire de bouger et de faire du sport

Le soir la clé conte mes histoires venues du fond des âges

Ainsi on est relié à tout l’univers

L’émotion ! Devant ce vertige du temps

Une clé dans la maison, essentielle et minuscule

De même l’homme sur Terre et la Terre dans l’univers

Ce miracle de la vie sur notre planète

Des millions d’années entre un microbe et l’infinie diversité

Toutes ces formes de vie alentour

Dans la Nature et l’homme au milieu de tout ça

Pendant que la Terre tourne sur elle-même et poursuit son évolution indifféremment

Faite de paradoxes et d’opposés complémentaires

Je pointe les lignes telluriques sillonnant la surface lignes de la main

Et entre les deux, ce texte, pour vous ouvrir un nouvel angle de vue, inédit, j’espère