Apaiser l'esprit

Que faire lorsqu’on rumine sur son coussin de méditation ?

Voici une histoire arrivée dans un lieu où co-habitent deux groupes de pratiquants : Une porte mal fermée car difficile à fermer a créé quelques petits agacements entre voisins de salle. Devrait-on la laisser ouverte ou forcer pour la fermer ? quitte à faire du bruit ? ce qui peut vite être agaçant…

5f8861b7ebe369ce23402fb71f88b85eAgacement, remarques, ruminations, émotions et surenchère… jusqu’où pourrions nous aller, manipulé par nos émotions ?
Une porte nous apprend toujours quelque chose. Elle est l’interface entre deux mondes, ici le monde extérieur agité et bruyant où nous étions affairés avec nos propres émotions et celui feutré dans lequel on pénètre pour se ressourcer intérieurement, soit par la méditation soit pas d’autres activités dans des locaux partagés. Voisiner, cohabiter à travers des portes, des cloisons, des séparations qui distinguent les « nous » des « pas nous ».

Il était une fois les Nou et les Panoupanou, une vieille histoire…

Elle se rejoue tous les jours, même au sein de lieux où l’esprit est plutôt d’être à l’ouverture, la bienveillance et l’entente cordiale.
Nous restons des êtres humains, à l’humeur inconstante et peu fidèles à nous même.
La question est : comment laisser la porte de la communication ouverte alors que je me la suis prise en pleine figure ? Et que j’aimerais la reclaquer dans l’autre sens pour faire comprendre à l’autre ce que ça fait ?

Bonne situation d’entraînement pour des apprentis débutants de la méditation.

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« J’ai une guerre dans mon esprit »

Suis-je plus énervé(e) à la fin de la méditation qu’avant d’avoir commencé à me poser ? C’est que je n’ai pas lâché le morceau et qu’il m’est resté en travers de la gorge. Ruminer et repasser en boucle ses tribunaux intérieurs est fréquent pendant un temps d’assise. Si l’assise favorise les assises de l’ego justicier, alors le support n’est plus la neutralité de la respiration mais le couperet du jugement. Si l’objet de la méditation est le ressentiment, alors le fruit de la méditation sera l’identification au ressentiment, je ne ferai plus qu’un avec cette émotion et il sera difficile de rester spacieux. Si je n’applique pas les instructions de la méditation, il n’y a pas de bénéfice. Une des instructions de la méditation étant de voir ses pensées sans s’y identifier.

Méditer est voir, reconnaître l’énervement, et mettre de l’espace où l’identité habituelle fragilisée peut mieux voir à la fois l’émotion et la possibilité de lâcher. Lâcher quoi ? L’identification, la référence, l’auto référence fragile et vulnérable qui risque de répondre sur le mode attaque ou fuite. Ou les deux. De ce point de vue, l’émotion est une chose, celui ou celle qui s’y identifie une autre.
Garder la porte ouverte pour choisir de ne pas entériner la hâche de guerre est voir que le chemin habituel ne peut être une solution mais une aggravation de la situation.

En tant que pratiquant la question est : ma motivation est-elle d’apaiser les situations ou de participer à leur aggravation ?

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« ça n’est pas parce que je suis en colère que je cesse d’être attentionné »

C’est le moment d’appliquer les antidotes que nous connaissons : tout comme moi, l’autre veut le bonheur, est vulnérable et faillible. Au fond personne ne veut la guerre, il est possible d’être énervé et d’être maladroit dans la façon de s’adresser à l’autre. Il est possible de se laisser emporté et de le regretter.

Il est donc aussi possible de faire un pas pour montrer sa bonne volonté. C’est ce que fait le bodhisattva, le héros d’éveil dans son apprentissage et son entraînement. Il s’engage à ne pas laisser pourrir les situations, à ne pas refermer définitivement la porte, à ne pas fuir. Pour ne pas laisser pourrir une situation ni cultiver des couches de ressentiment ou se punir ou toute autre stratégie malhabile des egos défensifs, il est bon de cultiver le rappel en temps de paix de se préparer à rester paisible.

Ce qui n’est pas facile,reconnaissons le, on a donc le droit à l’échec. Echouer nous apprend que nous pouvons regarder ce qui a échoué et recommencer. C’est justement ce qui justifie la pratique.

Ce n’est pas que rester assis trois quart d’heure nous rend pacifiste. Tout dépend de ce que nous cultivons pendant ces trois quart d’heure et surtout nous avons conscience que nous avons besoin de travailler avec nos vulnérabilités plutôt que de toujours vouloir les protéger.

Il y a là un point essentiel à comprendre pour faire un trait d’union entre nous, la pratique et la vie quotidienne.

Comme nous l’avons précisé, l’effet loupe de la pratique est une plus grande acuité de ce que nous vivons, ce qui est l’opportunité de reconnaître nos mécanismes et donc de pouvoir les transformer. Patience, énergie, régularité, profondeur de la compréhension participent de cet entraînement.

Une fois sans attentes, nous nous détendons dans la pratique et toute situation devient occasion d’apprendre quelque chose, déjà que le savoir intellectuel n’est en rien l’expérience et que pour réaliser l’expérience, il est nécessaire de travailler d’abord avec nos plus grandes difficultés. L’effet premier de la pratique étant de pouvoir identifier plus rapidement ce qu’elles sont et de les prendre en charge.

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« Vous ne pouvez combattre que la façon dont vous pratiquez »

Enseignante de la psychologie bouddhiste et thérapeute systémique par les contes et les constellations systémiques. Conceptrice de Racines de la Présence.

Un commentaire

  • Catia

    C’est excellent !! C’est excellent !! ;0))
    C’est apaisant ! C’est énervant ! C’est pacifiant ! C’est vivifiant ! C’est ressourçant ! C’est agaçant ! C’est éblouissant ! C’est déprimant ! C’est fructifiant !
    C’est comme cela la vie quoi, assis ou debout nous sommes toujours entre ciel et terre !!!
    ….
    Merci Wangmo

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