Préface

Pour la plupart des personnes qui entrent sincèrement dans l’enseignement du Bouddha, les premières rencontres sont décisives. Bien souvent elles se font par le truchement de livres ou d’émissions télévisées avec des maîtres connus ayant un immense rayonnement. Aussi influentes soient-elles, ces rencontres peuvent aussi devenir des pièges parce que l’étudiant peut demeurer tributaire d’une aura qui n’est en rien déterminée par sa propre recherche intérieure, mais seulement par le discours conventionnel (et convenu) que d’autres disciples (ou prétendument tel) entretiennent à l’égard de ce maître.

Et puis à coté de ces étoiles qui attirent dans leur sillage tant de nouveaux étudiants, la plupart de ceux qui s’engagent sur la voie du bouddha rencontrent d’autres étudiants, des aînés, pratiquant depuis de nombreuses années. Ils ne passent pas à la télévision, n’écrivent pas de livres, exercent des professions modestes comme cuisinier, éducateur ou photographe. Depuis une quarantaine d’années avec les premières retraites traditionnelles tibétaines de 3 ans, une multitude d’étudiants entrent dans une expérience profonde de leur présence au monde et à eux-même. Cette retraite peut être une source de fascination parce qu’elle ne garantit rien. Il n’existe pas de «diplôme de lama».

Alors en l’absence de garantie tant au niveau de la notoriété que de l’institutionnalisation de pratiques spirituelles, la seule boussole qui demeure à notre disposition est notre recherche de dévoilement intérieur. Or il arrive que certaines personnes malgré les années de pratique, malgré les lectures qui ne cessent de s’accumuler, conservent la capacité de nous toucher en profondeur. En leur présence les mots acquièrent une résonance beaucoup plus forte que de coutume, et les émotions qui nous animent sagement s’agitent vigoureusement.

Lama Wangmo est animée de cette qualité particulière de transmettre la fraîcheur de la voie. S’asseoir en sa présence, c’est débuter une expérience neuve, écouter un de ses enseignements sur les quatre nobles réalités par exemple, c’est découvrir intact un enseignement pourtant entendu à de nombreuses reprises. L’incarnation de la spontanéité est tellement mystérieuse ! D’autant plus mystérieuse qu’elle se conjugue avec de nombreuses sources d’inspiration qui d’un enracinement dans les transmissions du bouddha, entrent en résonance avec des outils qui leurs sont habituellement extérieurs.

Depuis vingt cinq ans, Lama Wangmo ne cesse d’intégrer dans sa pratique et la transmission qu’elle en donne, de nouveaux outils. Certains sont directement issus des enseignements du Bouddha comme la pratique traditionnelle de Tonglen par exemple ou bien la pratique des cinq énergies de sagesse. Mais elle développe aussi d’autres outils plus spécifiques des traditions populaires comme les contes qui permettent de s’éveiller à travers les figures du Roi, du Héros et de la Fée au potentiel de transformation qui nous habite. Sa curiosité de pratiquante engagée sur un chemin d’éveil me semble parfois intarissable !

Enfin son style de vie me touche particulièrement. Lama Wangmo vit en suivant les chemins que nous empruntons la plupart du temps. Épouse, mère, elle travaille pour subvenir aux besoins de sa famille tout en intégrant à ce style de vie un parcours dédié au déconditionnement et à l’éradication du mal-être. C’est un enseignement précieux pour nous tous parce que très souvent nous imaginons qu’il nous faudrait tout quitter pour suivre une voie spirituelle. Ici aussi Lama Wangmo colle à l’enseignement qu’elle transmet. Vivre ici et maintenant en intégrant tous les compartiments de notre vie dans l’espace infini des enseignements du Bouddha.

Pierre Curty,
libraire et enseignant de formation humaine à l’Ecam