Préface

C’est une chance de pouvoir bénéficier, à travers ce livre, d’enseignements qui ont été donnés en direct, et qui ont gardé la ferme bonté de leur inspiration, la force de leur humour décapant, et le souffle lucide et régénérant d’un silence éloquent venu jusqu’à nous, nous chercher et lancer un pavé dans la mare de l’ego ronronnant.

L’enseignement de Dokushô Villalba est une bouffée d’oxygène et de nourritures variées et indispensables pour le corps, le cœur et l’esprit.
Nous pouvons y puiser une force prompte au pouvoir du lâcher-prise et aussi des connaissances précises, indispensables à qui souhaite sérieusement reconnaître la nature de ce qu’il est. Mieux encore, la question de l’intégration du Dharma et de sa pratique n’élude pas celle d’une compréhension thérapeutique de l’esprit conditionné, tel qu’en occident déjà certains enseignants ont pu tracer des passerelles pertinentes entre ces deux démarches, thérapeutique et spirituelle.

Faire des liens tout en gardant la pertinence de chaque approche, sans affadir ni réduire l’une ou l’autre est un art de haute voltige pédagogique.
L’intérêt de l’enseignement de Dokhusô tient justement à sa propre expérience et réflexion dans la transmission de zazen, en écho à son approche thérapeutique. Il nous fait bénéficier très concrètement de tout ce qui peut aider à amplifier le pouvoir libérateur de la pratique.

Comment transmettre à des occidentaux qui ont leurs propres difficultés un enseignement sans engendrer plus d’illusions encore et sans trahir l’essence de ce qui est transmis ? Ce sont des questions qui se posent et se reposent constamment. Nous ne pouvons faire comme si de tout temps l’homme a toujours été. Nous ne pouvons nous en sortir avec une pirouette conceptuelle ou philosophique. Nous devons en tant qu’enseignant du Dharma faire l’effort de penser et re-penser l’art de l’instant et son apparente facilité.

Tradition et modernité peuvent cohabiter dans une intelligence réciproque, pour qui veut bien faire l’effort de regarder aujourd’hui la rencontre de l’enseignement du bouddha avec les besoins spirituels d’êtres vivant dans un monde en voie de globalisation.
Plus que jamais, pratiquer n’est pas fuir mais regarder en face les problèmes que nous générons, et leur source, de là peut-être pourrons nous trouver des solutions à mettre en dialogue fécond. Mais pour cela, sachons d’abord rencontrer le silence.

Ce livre imbibé de fraîcheur, de spontanéité et de profondeur nous ouvre la porte de notre propre éveil. Il est un ami que nous pourrons retrouver chaque fois que nous sentirons le besoin de nous relier à notre être profond, chaque fois que nous sentirons faiblir en nous la motivation d’un chemin commencé, que nous nous perdrons dans nos automatismes et conditionnements habituels, il nous aidera à retrouver la direction du présent vivant, sans cesse maintenant.
Même si la voie est directe, les voiles ont leur épaisseur et leur récurrence. Nous ne pouvons nous contenter de facilités, d’années ou d’acquis mais chaque fois prendre à bras le corps le zafu d’éveil, comme si c’était la première et dernière fois.
Dokushô Villalba a le sens de la repartie qui fait mouche, de la métaphore surgie du silence, tel un coup de kyosaku sur les épaules de l’endormi agité que nous sommes, sonne l’éveil et révèle l’ouverture qui nous précède.

s’efface sur la vitre du mental
la buée finalement inexistante –
lâche d’un cœur clair les armures improbables de
l’ego – sans cesse maintenant rends toi sensible à ce
corps de chair et de sang – veille à son silence et
sens sous tes fesses le petit pois de dukkha
éveiller l’opportunité du bouddha que tu es déjà

LN Wangmo
Avril 2017